jeudi 23 août 2012

Un homme au singulier... le livre et le film.

 
Je prends enfin le temps de poster mon avis sur A single man, le film de Tom Ford. Lorsque j'ai vu ce film en dvd, j'ai découvert un film intimiste absolument sublime, dont les thèmes - le deuil, la solitude, la différence, mais aussi l'amour, le bonheur et la vie - touchent, parce qu'ils sont tout simplement universels .

Je ne connaissais pas du tout Tom Ford en tant que grand couturier, j'avais simplement lu quelques critiques cinématographiques où l'on soulignait son style esthétisant, soit pour le louer, soit pour le blâmer.

En regardant le film, on songe à Wong Kar Waï mais aussi à Douglas Sirk qui ont un style et des thèmes similaires ; cependant, Tom Ford a une esthétique propre, et j'espère vraiment que ses prochains films nous permettront de la découvrir plus en profondeur.

Le film est en effet extrêmement travaillé au niveau de la mise en scène, et ce dès le générique (des corps masculins flottent dans une eau à la fois symbole de mort et de vie) et la scène d'ouverture (George, joué par Colin Firth, rêve de l'accident de voiture survenu huit mois plus tôt à son compagnon, et imagine un paysage froid, lunaire, au coeur duquel il vient déposer un baiser d'adieu sur les lèvres de son ami - réveil en sursaut, ce n'était qu'un rêve, et le stylo avec lequel il était en train d'écrire au moment de se coucher s'est vidé de son encre).



Chaque plan est ciselé, avec des couleurs généralement extrêmement froides : ce jour là, George a décidé que ce serait le dernier, étant donné qu'il n'arrive pas à surmonter le deuil de Jim et que la vie lui est devenue insupportable. Cependant, des moments de grâce vont illuminer sa journée, et à ces moments là, la caméra réchauffe les couleurs : procédé un peu facile, peut-être, mais efficace.

Le fait que l'intrigue se déroule dans les années 1960 contribue à l'atmosphère rétro et raffinée du film, avec un jeu sur les lignes et les courbes des décors, des costumes, etc.

Colin Firth livre une très belle interprétation, peut-être meilleure encore que dans Le discours d'un roi. Il réussit, avec un simple changement d'expression, à suggérer toute une palette d'émotion. Il est sans cesse sur le fil, entre la rigidité propre à son personnage et son extrême vulnérabilité. Ainsi, sur le campus, alors qu'il cherche son pistolet dans sa sacoche et qu'il est dans sa voiture, il est interrompu par un étudiant qui cherche à créer un lien personnel avec lui ; il le rabroue sévèrement, toute son attitude est celle du professeur rigide et sévère qui s'efforce d'avoir une attitude professionnelle, mais le regard cerclé de lunettes exprime bien sa faiblesse extrême.



On a souligné la performance de Julianne Moore, qui joue l'amie de Colin Firth, divorcée, et qui est amoureuse de George. Elle joue très bien, cependant, ce n'est pas sa performance que j'ai retenue, ou son histoire, mais bien plutôt les différentes rencontres de George au cours de cette journée :

- celle de la petite fille des voisins à la banque, qui donne lieu à une scène extrêmement drôle :



- celle de la mère de cette petite fille, lumineuse :



- celle d'un prostitué espagnol qui ressemble à James Dean ;

- celle d'un étudiant avec lequel une complicité véritable va se nouer :




Le film m'a beaucoup émue et touchée ; et après l'avoir vu, je n'ai plus eu qu'une hâte, lire le roman de Christopher Isherwood.

En le lisant, on réalise mieux le formidable travail de scénariste réalisé par Tom Ford ; sur beaucoup de points, le livre diffère du film ; le roman de Christopher Isherwood est très bien écrit, et par moment très moderne et très surprenant ; certains passages forcent d'ailleurs l'admiration tant ils sonnent juste ou révèlent un talent exceptionnel de l'auteur, mais Tom Ford s'en est davantage servi comme d'une trame qu'il a réussi à sublimer et à transformer en y insérant une manière de voir le monde qui lui est propre.

Bref, A single man est vraiment un film à voir, car le réalisateur livre une oeuvre raffinée, subtile et sensible ; Colin Firth, filmé amoureusement, est exceptionnel ; enfin, les thèmes du film et sa manière de voir le monde ne peuvent que toucher le spectateur, quel qu'il soit.

6 commentaires:

  1. Quelle belle critique, ça m'a donnée envie de le revoir. Il m'avait aussi beaucoup touchée et la prestation de Colin Firth est tout simplement sublime ! (je ne vois pas aussi en quoi Julianne Moore sort du lot. Au contraire, j'ai trouvé son apparition très banale) C'est difficile de comparer son interprétation dans le "Discours du roi" et dans ce film-ci : ce sont tellement des registres différents même si ces deux personnages partagent une certaine rigidité, une certaine réserve.

    Je n'avais pas autant fait attention que toi à l'esthétisme du film, aux petits détails que tu soulignes si joliment. Quand je le reverrais, je ferai plus attention ! Et je ne me souvenais plus de l'apparition de la petite fille et de sa splendide mère. Ce n'est qu'en regardant les photos que ça m'a fait tilt (d'ailleurs, rien qu'aux photos, on retrouve l'esthétisme dont tu parles).

    Je garde en réserve le roman de Christopher Isherwood. Je ne savais pas que c'était une adaptation. ;-)

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  2. Encore un excellent article Popila :). J'avais bcp apprécié ce film également et je pense justement le revoir un de ces jours pour encore plus m'impregner et l'analyser ^^. J'avais adoré la mise en scène, les couleur, l'esthetisme. Colin est juste PARFAIT dedans. Il aurait mérité l'Oscars. Julianne excellente aussi. Et puis la BO juste MAGNIFIQUE !!!! Une BO que j'écoute en boucle =D

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  3. non seulement j'avais trouvé le film très beau mais j'ai trouvé que c'est aussi une réflexion sur la solitude... Evidemment, Colin Firth est parfait !

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  4. Bien qu'appréciant énormément Colin Firth comme comédien, j'avoue que ce film, contrairement à vous m'a laissée sur ma faim. Je ne peux contredire vos propos (avec lesquels je suis globalement d'accord), mais je trouve que ce parti-pris esthétique un peu trop léché va au détriment de l'émotion. On finit par être étouffé par le papier glacé, et les superbes prestations des comédiens ont peine à se frayer un chemin dans ce catalogue un peu froid. Dommage... Le sujet et les acteurs méritaient mieux...
    Pour rester dans la même thématique, autre film sur le deuil, "And When Did You Last See Your Father ?" me semble infiniment plus subtil... Firth y est magnifique d'humanité.

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  5. Je n'ai jamais vu ce film, je note la référence !

    Contrairement à vous, je n'ai pas eu le sentiment que l'esthétisme du film prenait le pas sur l'émotion ; j'ai trouvé ça assez équilibré. Question de ressenti, j'imagine. ;)

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