mardi 24 juillet 2012

Ma brillante carrière, de Miles Franklin.




Miles Franklin est une femme. Son nom complet est Stella Maria Sarah Miles Franklin. Née en 1979, elle est auteur et une féministe australienne. C'est à l'âge de vingt ans qu'elle publie son premier roman, et aussi son plus célèbre : Ma Brillante Carrière. Ce roman est encore à ce jour considéré comme l'un des plus grands classiques de la littérature australienne et de la littérature féministe. Inspiré de sa propre vie, Ma Brillante Carrière nous raconte l'aventure intérieure, sentimentale, familiale de Sybylla Melvyn.


Notre héroïne est une jeune fille au tempérament de feu et à l'imagination débordante, qui grandit dans l'Australie rurale des années 1890. Sa famille est réduite à la pauvreté à cause de mauvais investissements et de l'alcoolisme du père. Sybylla se voit donc contrainte de travailler dur et de faire face à la monotonie d'une vie de labeur. A son grand soulagement, sa mère, qui ne sait plus quoi faire de sa fille, décide de l'envoyer séjourner chez sa grand-mère. Sybylla découvre alors qu'une vie plus confortable y est possible. Là-bas, elle rencontre le jeune et riche Harry Beecham, qui s'éprend étrangement de ce brin de jeune fille au mauvais caractère et aux allures de garçon manqué, retrouve ses tante et oncle, se met à lire comme jamais et fréquente une société moins étriquée que celle qu'elle connaissait jusqu'ici. Mais avec le temps, l'alcoolisme de son père a empiré et est prêt de causer la ruine de sa famille. Sybylla est donc envoyée séance tenante comme gouvernante/femme de ménage chez une famille d'illetrés dans un coin perdu du bush australien...

J'ai fini ce livre hier soir, et ma foi, Ma brillante carrière est un livre qui ne laisse pas indifférent, et son héroïne encore moins - c'est elle qui nous fait le récit de son histoire, depuis son enfance jusqu'à l'âge adulte.

Sybilla est une jeune fille très exaltée ; lorsqu'elle nous rapporte ses impressions, ses faits et ses gestes, elle fait rarement dans la demi-mesure, d'où le ton très particulier du récit, qui alterne entre les sentiments de l'héroïne et la description des paysages australiens et du fonctionnement des fermes.

Sybylla mêle des aspects sympathiques à d'autres, plus antipathiques. Ainsi, elle aime jouer avec les nerfs des autres personnages, mais c'est parce qu'elle est passionnée et qu'elle manque d'assurance à cause d'un physique qu'elle juge disgrâcieux. Elle a en permanence besoin de vérifier que l'affection des autres pour elle est bien réelle. Cela la conduit à être parfois très égoïste et très narcissique, mais c'est de sa part pleinement assumé.

Ses bizarreries de caractère et son comportement de garçon manqué n'empêcheront pas Harry Beecham, de tomber amoureux d'elle. Riche propriétaire terrien, garçon brave et solide, c'est un personnage doté d'une grande élégance morale qui subira quelques revers de fortune au cours du roman, tout comme l'héroïne, qui, même si elle s'en défend, est très sensible à son charme.

Sybylla m'a davantage touchée lorsqu'elle est confrontée à un certain nombre d'épreuves dans la seconde moitié du roman, qui prend alors des allures de récit d'apprentissage. Elle souffre de devoir jouer les institutrices dans une famille aussi sale et peu cultivée, mais le récit de son expérience n'est pas dénuée d'humour.

Elle souffre également de l'incompréhension de sa famile et de sa mère à son égard, ainsi que du comportement conventionnel que tout le monde voudrait lui voir adopter.

Cela la conduira à prendre une décision extrême à la fin du roman, que personnellement j'ai regrettée, mais que j'ai également trouvée très courageuse.

Ce roman très bien écrit m'a donné envie de découvrir d'autres livres de Miles Franklin ; j'aimerais également beaucoup découvrir l'adaptation cinématographique de Ma brillante carrière par Gillian Armstrong.


Judy Davis y est paraît-il remarquable...

vendredi 20 juillet 2012

Drôle de temps pour un mariage, de Julia Strachey.


Julia Strachey (1901-1979) est un écrivain britannique, qui a connu ses heures de gloire en tant que mannequin et photographe. Son oncle, l'historien Lytton Strachey, lui a fait rencontrer son amie Virginia Woolf, ainsi que son mari Leonard. En 1932, les Woolf publient Drôle de temps pour un mariage (Cheerful Weather for the wedding) à la Hogarth Press. Ce court roman reste, à ce jour, son ouvrage plus célèbre.

« Le 5 mars, Mrs Thatcham, une veuve de la bourgeoisie, maria sa fille aînée Dolly, âgée de vingt-trois ans, à Owen Bigham, de huit ans son aîné et employé par les services diplomatiques. » Drôle de temps pour un mariage raconte cette journée, le va-et-vient des domestiques qui ont vu grandir Dolly, les inquiétudes de sa mère, l'empressement de sa soeur à la voir partir, la tante qui passe en revue les cadeaux de mariage, les cousins Tom et Robert qui se chamaillent. Au milieu de tant d'agitation, un jeune homme attend le moment de parler avec celle à qui il n'osa pas se déclarer au cours de l'été précédent ...

J'ai lu ce petit livre il y a quelques mois  dans le train, et à ma grande surprise, j'ai beaucoup aimé.

Je dis à ma grande surprise, car quelque temps auparavant, j'avais lu le 1er chapitre et j'avais reposé le livre en me disant que j'aurais du mal à aller jusqu'au bout...

Et puis je l'ai repris en main, et je me suis beaucoup amusée à la lecture.

Ce n'est pas un livre où l'on rit aux éclats, mais on sourit souvent, tant certains éléments de cette journée sont drôles, extravagants ou incongrus.

Les personnages sont délicieusement croqués, et il y a un vrai parfum d'authenticité qui se dégagé de ce livre.

C'est beaucoup plus accessible que du Rosamond Lehmann, et beaucoup plus amusant que du Vita Sackville-West, par exemple (pour rester dans la mouvance du groupe de Bloomsbury). Et indéniablement plus facile à lire que du Virginia Woolf. ;)
Une adaptation cinématographique a été réalisée récemment avec entre autres Felicity Jones ; en voici la bande-annonce :



Plutôt prometteur, non ? ;)

L'Etrange disparition d'Esme Lennox, de Maggie O'Farrell.



Entre l'Inde et l'Écosse, des années 1930 à nos jours, l'histoire déchirante d'une femme enfermée, rejetée de la société et oubliée des siens. Un roman d'une beauté troublante, où s'entremêlent des voix aussi profondes qu'élégantes pour évoquer le poids des conventions sociales et la complexité des liens familiaux, de l'amour à la trahison. A Édimbourg, l'asile de Cauldstone ferme ses portes. Après soixante ans d'enfermement, Esme Lennox va retrouver le monde extérieur. Avec comme seule guide Iris, sa petite-nièce, qui n'avait jamais entendu parler d'elle jusque-là. Pour quelle étrange raison Esme a-t-elle disparu de la mémoire familiale ? Quelle tragédie a pu conduire à son internement, à seize ans à peine ? Toutes ces années, les mêmes souvenirs ont hanté Esme : la douceur de son enfance en Inde, le choc de son arrivée en Écosse, le froid, les règles de la haute bourgeoisie et, soudain, l'exclusion... Comment sa propre sœur, Kitty, a-t-elle pu cacher son existence à ses proches? Et pourquoi Iris se reconnaît-elle tant dans Esme ? Peu à peu, de paroles confuses en pensées refoulées, vont ressurgir les terribles drames d'une vie volée...

L'histoire de cette jeune fille excentrique mise sur la touche est vraiment très touchante. On ne s'ennuie pas une seule seconde à la lecture, tant l'intrigue est palpitante.

Il faut dire que l'auteur, avec beaucoup d'habileté, fait alterner trois points de vue : celui d'Iris, une toute jeune femme, celui d'Euphemia alias Esme, et celui de Kitty, la "grand-mère" d'Iris.

C'est surtout le point de vue d'Esme, qui, en remontant le fil de sa mémoire, va nous aider à comprendre les raisons de son enfermement dans cette "maison de santé". Les points de vue d'Iris et de Kitty, frappée par la maladie d'Alzheimer, nous aident à mieux comprendre ce qui s'est passé.

Je ne saurais dire si ce livre est bien écrit, mais ce qui est sûr, c'est que l'on tourne les pages avec impatience, tant on a hâte de connaître la suite.

C'est dommage qu'Iris et Esme n'aient pas davantage le temps de faire connaissance, mais en même temps, je trouve le traitement de leur relation assez juste (même si au final, la petite fille s'avère moins fascinante que sa véritable grand-mère).


Même si ce n'est pas une histoire vraie, la vie d'Esme est bouleversante, car de nombreux cas réels de ce genre ont existé. Il devait être si commode de placer dans ce genre d'institutions des femmes qui n'entraient pas dans le moule où la société voulait les mettre ! C'est ce dont ce livre fait prendre conscience, et c'est assez effrayant.



Un vrai coup de coeur ! ;)


jeudi 19 juillet 2012

La maison sur le rivage de Daphné du Maurier (1969).




Dick est invité par son ami Magnus Lane à passer ses vacances, en solitaire, dans le charmant petit village de Tywardreath en Cornouailles. Il en a bien besoin car il se sent harcelé par son épouse Vita qui le pousse à quitter la maison d'édition où il travaille pour aller vivre aux États-Unis. En fait, Magnus, professeur de biophysique à l'Université de Londres, a besoin de lui pour expérimenter une drogue qu'il a récemment mise au point. Quoique réticent, Dick ingurgite cette potion et, à son extrême étonnement, se retrouve sur la lande en présence d'un cavalier mystérieux. Attiré comme un aimant, il le suit et se rend compte rapidement qu'il a été propulsé au XIVe siècle dans ce même village. Phénomène étrange, il peut voir, entendre et comprendre sans que sa présence soit révélée. Renouvelant l'expérience à plusieurs reprises, Dick sera le témoin volontaire et invisible des amours, des passions et complots ourdis par la noblesse et le clergé de ce village quelque cinq siècles auparavant.


C'est un roman plutôt déconcertant, qui oblige le lecteur à des aller et retour constants dans le passé. On retrouve les thèmes chers à Du Maurier : sa région natale, les Cornouailles, avec la présence de ses paysages et de la mer ; une maison mystérieuse ; un homme qui trouve son quotidien ennuyeux et qui se retrouve irrésistiblement attiré par une femme qui n'est rien d'autre qu'un fantôme, puisqu'elle apppartient au passé et évolue dans l'univers du XIVème siècle. Le contraste entre la réalité des années 1960 et le Moyen-Âge dans lequel le narrateur se livre à des pérégrinations régulières est très frappant ; les scènes qui se déroulent dans le passé sont très bien écrites et très saisissantes. Le lien qui unit Dick à Magnus, son ami scientifique, est assez mystérieux - dans la mesure où Vita, l'épouse de Dick est très jalouse du lien entre son mari et Magnus, on peut soupçonner une amitié de nature homosexuelle - et le récit oscille entre roman historique et roman fantastique. Je le conseille aux amateurs du genre !

mercredi 18 juillet 2012

Compartiment pour dames, d'Anita Nair.



Akhila a toujours fait ce qu’on attendait d’elle et tout sacrifié à sa famille. Mais un jour, elle en a assez et décide de partir en voyage pour faire un bilan de sa vie. Dans le train qui l’amène à destination, elle est dans un compartiment réservé aux femmes. Les autres passagères vont lui parler tour à tour de leur vie et de la situation de la femme dans une Inde coincée entre tradition et modernité…

Ce livre est écrit de manière très simple, et il est de ce fait très agréable à lire. Ce n'est pas une écriture recherchée, mais c'est néanmoins un livre bien écrit. Il y a des termes indiens qui sont fréquemment utilisés, en particulier pour parler de la nourriture, mais cela n'entrave pas la compréhension (d'ailleurs, il y a un mini lexique à la fin, auquel je n'ai pas eu recours, puisque je n'avais pas vu son existence).

J'ai été séduite par l'exotisme du roman, qui se manifeste dans le fait que l'auteur évoque les odeurs, la cuisine, l'atmosphère des rues de l'Inde, ainsi que les mentalités. Dans ce train, six femmes vont tour à tour raconter leur vie, Akhila étant celle qui à la fois les écoute et se raconte. Le roman n'est pas construit avec des chapitres qui feraient s'alterner les voix de ces six femmes, mais tout est entremêlé : chacune des histoires de ces femmes prend une valeur exemplaire.

Toutes ne m'ont pas marquée, en revanche, j'ai beaucoup aimé celle de la femme professeur de sciences-physiques qui a une vision très particulière de la vie (elle associe les êtres à des éléments chimiques en fonction de leurs caractéristiques) et qui décide d'engraisser son mari pour l'empêcher de nuire (le rapport à la nourriture est analysé de manière très fine dans cette histoire).

J'ai également beaucoup aimé le récit de cette jeune femme élevée de manière traditionnelle, qui, à la suite d'un voyage en Europe, s'émancipe (elle s'habille à l'europénne et adopte un comportement "assez libre", pour ensuite revenir au conformisme dans lequel elle a été élevée, jusqu'au jour où elle décide de prendre sa vie en main et d'apprendre toute seule à nager). Les passages où elle se rend en cachette au bord de la piscine pour observer les autres nageurs, et la description du moment où elle réussit à retrouver la maîtrise d'elle-même et de son corps sont très beaux.

J'ai regretté que l'histoire de la jeune fille si liée à sa grand-mère ne soit pas davantage creusée, et j'ai trouvé l'histoire de la femme aux origines si modestes absolument terrible. Je n'ai pas trop aimé cette histoire ; j'ai trouvé certains de ses aspects assez glauques et dérangeants.
C'est un roman dont le ton est résolument féministe et qui apporte un point de vue nuancé sur la condition féminine. J'ai été scandalisée par la façon dont Akhila avait été traitée par certains membres de sa famille ; en revanche, je n'ai pas trop aimé la façon dont son histoire finit (mais chut !) ;)
En somme, c'est un livre vraiment intéressant, et l'on ne s'ennuie pas du tout. Je trouve qu'en plus d'être dépaysant, les problèmes qu'il évoque ne sont pas circonscrits à l'Inde ; c'est un roman qui pousse à réfléchir et qui s'avère très stimulant pour l'esprit.





Lu dans le cadre du Mois de l'Inde sur Whoopsy Daisy.

Nouvel emménagement.


Après des mois bien chargés, voici enfin venu le temps des vacances !

Je suis bien contente de pouvoir à nouveau lire la blogosphère.

J'ai hésité à changer d'adresse, et puis finalement, je me sens bien dans ces vieux murs.

J'ai un peu dépoussiéré par-ci par-là, et me voilà prête à reprendre possession de mes Pénates.

Comme j'ai lu beaucoup de livres ces derniers temps, les prochaines semaines devraient voir un blog plus animé.