vendredi 9 novembre 2012

Parfums, de Philippe Claudel.

 


J'ai terminé hier soir Parfums de Philippe Claudel, une sorte d'abécédaire qui s'efforce de ressusciter les parfums que l'auteur associe à son enfance et à sa jeunesse. Entreprise à la fois baudelairienne et proustienne qui lie parfums et souvenirs ; exercice de style, aussi, qui fait un peu songer à Gracq et à son écriture du fragment ; certains passages ont la beauté des meilleurs vers de la langue française. Sous la plume de Claudel ressuscite le pays de son enfance, Dombasle, Nancy, les Vosges. Un peu inégal parfois, mais globalement un très beau livre, qu'on prend plaisir à feuilleter et à savourer.

Quelques passages choisis en guise de mise en bouche :

ALAMBIC
Car là, au profond d'un mystère que nous ne comprenons pas, c'est bien le soleil qui, dans les méandres du labyrinthe de cuivre chauffé, se change en eau-de-vie. Soleil des fruits d'or et de parme, mirabelles, poires, quetsches, prunelles sauvages, récoltées quelques mois plus tôt si mûrs au pied des arbres que leur poids sucré les a fait chuter et se fendre souvent, excédés de leur surabondance et de leur pulpe chaude, puis mêlés dans des tonneaux où, loin de pourrir, ils se sont mariés les uns aux autres en un moût entêtant et bulbeux. Dans la cabane au-dessus de la rivière se joue le dernier acte. La chair devient pur alcool.

SAPIN
Les sapins nous enveloppent de leurs basses branches. C'est un monde de quiétude, de bruissements d'abeilles, de cheminement, de limaces, de fourmillières pharaoniques, de geais qui filent, bleus, laissant parfois tomber une plume blanche chamarrée de gris que je plante dans mes cheveux. Je fouille les mousses qui retiennent même au plus chaud de l'été toujours un peu d'humidité, une spongiosité tourbée.


REMUGLE
Sans doute est-ce là, dans cette bibliothèque surannée, au profond du silence, parmi les visages absents de mes camarades et leurs corps ennuyés, enivré par le remugle - puisque c'est là le nom et l'odeur des vieux livres comme je l'appris bien plus tard -, que j'entre dans un pays, celui de la fiction et des mille sentiers, que je n'ai depuis jamais vraiment quittés. Je suis comme les livres. Je suis dans les livres. C'est le lieu où j'habite, lecteur et artisan, et qui me définit bien.
 
Livre lu dans le cadre des Matchs de la Rentrée Littéraire 2012, opération organisée par le site de Priceminister. Merci à Constance, à Summerday, et à Oliver. ;)


Note attribuée au livre : 16/20


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mercredi 7 novembre 2012

Une place à prendre, de J.K. Rowling.

 

J'ai terminé de lire Une place à prendre la semaine dernière, et je ressors de ma lecture avec un avis très mitigé.

Dès les premières pages, la mort brutale de Barry Fearbrother, un conseiller paroissal, nous plonge dans la vie quotidienne des habitants de Pagford, une petite bourgade comme il en existe des milliers en Angleterre. La mort de ce conseiller laisse une place vacante au conseil, qui est déchiré entre d'un côté les défenseurs de la tranquilité de Pagford, et de l'autre, ceux qui militent pour conserver dans la commune la cité des Champs, une zone où se trouvent des HLM et une clinique de désintoxication. La mort de Barry, fervent défenseur des Champs, pourrait définitivement faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre, et la bataille est donc rude pour occuper ce siège tant désiré.

Mais au-delà de cette lutte électorale, ce sont surtout les différents habitants de Pagford et des Champs que nous apprenons à connaître - une bonne quinzaine au total, et même si au départ il n'est pas forcément facile de s'y retrouver, on comprend vite qu'ils sont tous liés. Le lecteur côtoie alors des adolescents qui méprisent leurs parents, et des adultes tous plus médiocres les uns que les autres, n'hésitant pas à se poignarder mutuellement dans le dos pour servir leurs intérêts. J.K. Rowling dépeint de manière satirique une humanité égoïste, mesquine et hypocrite.

Le problème, c'est qu'à force de faire la liste, à travers ses personnages, de tous les maux dont souffre la société, J.K. Rowling finit par enfermer son microcosme dans quelque chose de complètement stéréotypé et caricatural. En effet, tous les couples sont dysfonctionnels, les vieux sont méchants, les riches sont méprisables, les pères sont pédophiles / voleurs / menteurs / violents ; les mères sont nymphomanes / droguées ; les ados se droguent / regardent du porno / se font des scarifications / se font violer... bref, tout y passe, et l'auteur ne nous fait grâce d'aucune réalité sordide, le tout en faisant adopter à ses personnages un langage souvent cru et vulgaire. Au milieu de cet océan de grisaille, émerge, parfois, une toute petite lueur d'espoir. Assez rapidement mise à mal par un dénouement inutilement mélodramatique et appuyé.

En somme, ce livre est intéressant à lire dans la mesure où J.K. Rowling sait camper un univers, s'aventure sur un terrain où on ne l'attend pas, et décrit avec acuité ses personnages, mais peut également être jugé long, lourd, et surtout mettre le lecteur très mal à l'aise.

J'ai lu sur ce livre l'avis d'une lectrice qui disait que le roman de J.K. Rowling lui avait fait l'effet que ressent tout quidam lorsqu'il assiste à un accident de voiture : il ne peut s'empêcher d'y jeter un coup d'oeil alors qu'il sait qu'il risque de voir des choses particulièrement morbides.

C'est exactement ce que j'ai resenti à la lecture d'Une place à prendre.
 
Livre lu dans le cadre des Matchs de la Rentrée Littéraire 2012, opération organisée par le site de Priceminister. ;)
 
 
Note attribuée au livre : 12/20