Un billet que j'ai sur le métier depuis un certain temps et dont j'ai ressenti ce soir le besoin de me "débarrasser". Le Hérisson est une adaptation cinématographique qui s'inspire librement d'un livre de Muriel Barbery qui connut (et qui connaît encore) un beau succès de librairie depuis sa parution, grâce au bouche à oreille mis en place par les libraires.
Autant le mentionner tout de suite : je suis loin d'être une fanatique du livre, qui, malgré de bonnes idées, souffre à mes yeux d'un certain nombre de défauts, en particulier une vision bien trop manichéenne de la société (d'un côté, la méchante bourgeoisie dont la culture n'est qu'un vernis et qui bien sûr est pétrie de vices ; de l'autre, des sans grades qui cachent naturellement un savoir encyclopédique et un coeur d'or) ; un style, qui, quoique très travaillé, sent malheureusement parfois la boursouflure et la prétention, tant les références culturelles surabondent (les passages philosophiques, en particulier, sont d'un ennui mortel, et à vrai dire assez peu à leur place dans cet ouvrage de fiction : un éditeur consciencieux les aurait fait élaguer par l'auteur) ; et enfin, la présence regrettable de certains clichés, en particulier ceux relatifs à l'Asie et au Japon (Muriel Barbery sacrifie en effet à la mode nippone).
Le dispositif à la Perec du livre était pourtant intéressant (l'action se déroule presque uniquement dans un immeuble), mais ce conte de fées mis à mal par l'accident final souffre d'un manque total de crédibilité, renforcé par l'explication vaguement psychologisante et surtout très niaise du caractère de René (je pense ici à ce qu'elle révèle de son enfance à la jeune Paloma).
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L'adaptation cinématographique de ce livre m'a cependant réservé une belle surprise, car ses défauts se sont miraculeusement métamorphosés sous la baguette de Mona Achache. Le film a d'ailleurs remporté un beau succès dans les salles françaises au cours du mois de juillet.
En effet, le scénario a su élaguer les boursouflures du livre : le spectateur n'a pas affaire à un simple "copier-coller". Ainsi, l'adolescente ne tient plus un journal, elle filme son entourage.
Le choix de ce moyen d'expression est doublement intelligent de la part de la réalisatrice : non seulement il est réaliste en ce sens que ce média est actuellement privilégié par les adolescents, mais surtout, Mona Achache se place sur le terrain qui est le sien, non plus celui des mots, mais celui des images.
Images qui s'avèrent d'ailleurs être de trois sortes dans ce film : il y a d'abord l'image pure et simple, c'est-à-dire ce que filme Mona Achache ; ensuite, les images filmées par Paloma avec la vieille caméra de son père, images facilement reconnaissables, tant elles sont brouillées ; et enfin, les dessins de Paloma, qui s'animent parfois sous nos yeux.
Ce mélange, intéressant, constitue une belle réussite, d'autant plus que si Mona Achache avait voulu retranscrire le journal de Paloma - une adolescente que pour ma part je trouve terriblement prétentieuse et agaçante - le tout aurait probablement donné quelque chose de très ennuyeux, le journal de Paloma n'étant pas franchement ce qu'il y a de plus réussi dans L'Elégance du hérisson.
Un procédé également intéressant dans ce film, la répétition des propos qui ont été tenus dans les scènes précédentes, à la manière d'un bruissement de plusieurs voix, et ce afin de traduire les monologues intérieurs des personnages : j'imagine que la chose, si elle est systématisée, peut lasser, mais il se trouve que dans ce film, cela fonctionne assez bien.
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Autre gros point fort du film : les comédiens. Mention spéciale à Josiane Balasko dans le rôle de la concierge, Renée, qui livre une performance tout en sensibilité et en délicatesse.
Garance le Guillermic ne s'en sort pas trop mal dans le rôle de Paloma et réussit à me rendre plus sympathique un personnage pour lequel j'éprouvais peu d'empathie.
Togo Igawa, très bel homme, incarne un Kakuro au sourire pétillant.
Dans les rôles secondaires, Anne Brochet (Cyrano de Bergerac), dans le rôle de la mère, joue de manière très juste, et Wladimir Yordanoff est intéressant dans le rôle de l'homme politique un peu dépassé par sa famille.
Ariane Ascaride (que je n'ai pas reconnue) est très bien dans le rôle de Manuela, la femme de ménage devenue l'amie de Renée. On notera également la présence de Gisèle Casadesus dans le rôle d'une des habitantes de l'immeuble.
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Bref, un film émouvant, même si la morale reste celle des bons sentiments, et un film cohérent, loin de la prétention et de l'aigreur dont se drapaient certains passages du livre, relu récemment, et sur lequel mon avis n'a pas vraiment changé. Assez curieusement, l'intrigue pourtant fragile de Muriel Barbery passe beaucoup mieux dans le film, qui sait distiller avec plus de sincérité l'humour et l'émotion. D'ailleurs, le film touche incontestablement le public, peut-être parce qu'à travers l'image du bocal à poissons, filée tout au long du film, Mona Achache évoque aussi le drame de l'incommunicabilité moderne.