lundi 24 septembre 2012

Anna Karénine, de Léon Tolstoï.


J'ai lu cet ouvrage pour la première fois à l'âge de seize ans, dans une traduction ancienne et pas forcément très bonne, et j'avais vu l'une de ses adaptations cinématographiques quelques années auparavant : je suis complètement passée à côté de ce livre, alors que j'avais réussi à lire et à apprécier la même année Madame Bovary de Flaubert, ouvrage pourtant aussi ardu, abordant un thème similaire.



J'ai redécouvert Anna Karénine il y a quelque temps avec enchantement, et je n'ai eu aucun mal à aller jusqu'au bout du livre, contrairement à ce qui s'était passé les années précédentes.

Anna Karénine est un livre très bien écrit : chaque phrase est savoureuse. Les personnages sont très bien peints, qu'il s'agisse de Lévine, Kitty, Anna, Vronsky, ou de personnages apparemment moins importants. Le style de Tolstoï tient le juste milieu entre un Stendhal pour l'aspect ingénu et spirituel, et un Flaubert pour l'aspect réaliste. La société de l'époque est décrite très précisément, et Tolstoï excelle dans les scènes de genre (dîner, chasse, courses, bal, mariage...) et sait les renouveler en leur apportant beaucoup de fraîcheur. L'auteur fait preuve d'une grande finesse psychologique ; il sait rendre ses personnages vivants, parfois en mentionnant un seul détail de leur physique ou de leur caractère.

L'architecture de ce roman de moeurs est à la fois très savante et très discrète ; Anna Karénine n'est pas le personnage principal du livre, contrairement à ce que le titre pourrait nous faire penser.

La structure repose en fait sur trois couples :

- Stépane Arcadievitch Oblonsky et Daria Alexandrovna ;

- Lévine et Kitty Chtcherbatzki ;

- Anna Karénine, d'abord mariée à Alexis Alexandrovitch, et qui deviendra ensuite la maîtresse de Vronski.

Ces trois couples sont l'occasion pour Tolstoï de livrer au lecteur sa vision du monde et de se livrer à des réflexions métaphysiques, sans pour autant être didactique.

Lévine et Anna sont deux personnages qui seront amenés à se croiser dans le roman, et qui, bien que très différents, sont les vecteurs d'une même interrogation sur le monde et sur ce qui fait le sens de la vie. Sauf que Lévine aura plus de chance qu'Anna, parce qu'il est un homme, et elle une femme, et qu'ils vivent dans une société profondément inégalitaire de ce point de vue là.

Tolstoï a mis beaucoup de lui-même dans le personnage de Lévine, et il a su capturer à merveille l'essence d'Anna, ce personnage féminin si troublant, qu'il désapprouve d'un point de vue moral, mais qu'il justifie d'un point de vue romanesque. Même si Anna a un comportement que l'on ne peut juger qu'immoral pour l'époque, sa quête d'un sens à sa vie donne sa légitimité à ce personnage, malgré ses erreurs et ses errances.



L'adaptation avec Sophie Marceau ne rend que très imparfaitement justice à ce chef d'oeuvre littéraire, mais reste intéressante à analyser. Il existe aussi une adaptation avec Vivien Leigh, qui fait référence. Et il est beaucoup question depuis un moment de la récente adaptation de Joe Wright avec Keira Knightley, qui devrait sortir sur nos écrans dans quelques mois. Les quelques extraits vidéos qui circulent sur le net ainsi que les affiches du film laissent présager un joyeux jeu de massacre...

J'irai sans doute la voir, plus pour rigoler qu'autre chose ! ^^

lundi 10 septembre 2012

Arsenic et vieilles dentelles, de Frank Capra (1944).

 
Si vous ne connaissez pas Arsenic et vieilles dentelles, vous devez absolument vous procurer ce grand classique de la comédie américaine !
 
 
 
Vu lors d'une rétrospective, c'est l'un des rares films où j'ai vu les spectateurs se lever à la fin de la projection pour applaudir !

Arsenic et vieilles dentelles est adapté d'une pièce de théâtre jouée à Broadway de 1941 à 1944 et adaptée par Frank Capra pour le cinéma.
 
 
Mortimer Brewster vient annoncer à ses deux tantes, Abby et Martha, qui l'ont élevé, son prochain mariage avec la fille du révérend Harper, qui habite à quelques dizaines de mètres de là. Mais il découvre, caché dans un coffre sous la fenêtre, le cadavre d'un vieil homme. Ses deux tantes lui avouent alors, le plus ingénument et le plus naturellement du monde, qu'elles se sont fait une spécialité de supprimer les vieux messieurs seuls au monde en vue de leur rendre service...
 
 
Si le film sent un peu la pièce de théâtre (le spectateur est plongé dans un huis clos quasi permanent), les rebondissements du film, et l'interprétation ne peuvent manquer de marquer les esprits : on retiendra le couple formé par le piètre chirurgien esthétique Peter Lorre et son malheureux patient Raymond Massey, à qui il a fait la tête de Frankenstein tel qu'il était interprété par Boris Karloff, et surtout l'interprétation de Cary Grant qui montre toute l'étendue de ses talents comiques dans sa plongée, progressive et ahurie, dans une simili-folie.
 

mercredi 5 septembre 2012

L'Idiot, de Dostoïevski.


"La beauté sauvera le monde" : cette phrase, à la fois très belle et très mystérieuse, Dostoïevski la met dans la bouche du personnage principal de son roman, le prince Mychkine, un être dont la bonté confine à la naïveté et à l'idiotie.

Après avoir passé sa jeunesse en Suisse dans un sanatorium pour soigner son épilepsie (maladie dont était également atteint Dostoïevski) , le prince Mychkine retourne en Russie, sans sou ni attache, mais avec un certificat de noblesse en poche. Amené à frayer avec les membres de la noblesse russe, il se rend à la soirée d'anniversaire de Nastassia Filippovna, une femme perdue que Rogojine, un jeune marchand complètement ivre, se propose d'acheter contre une forte somme d'argent. Le prince perçoit le désespoir de Nastassia Filippovna, en tombe maladivement amoureux, et lui propose de l'épouser, mais après avoir accepté son offre, elle s'enfuit avec Rogojine. C'est le point de départ d'une intrigue aux mutiples rebondissements...

Difficile de rendre compte de ce roman qu'on peut néanmoins qualifier de mystique, dans la mesure où l'on peut reconnaître la figure du Christ derrière le personnage principal. Un tableau de Holbein pose d'ailleurs la question de la foi religieuse : peut-on encore croire en Dieu lorsqu'on a vu ce Christ mort d'un réalisme terrifiant ?


Dans ce livre à la fois drôle et tragique, Dostoïveski pose les questions qui lui tiennent à coeur, qu'elles soient littéraires, sociales, psychologiques, politiques et religieuses, sans jamais tomber dans la lourdeur. Les personnages qui gravitent autour du prince sont tout à fait intéressants, car, hommes ou femmes, ils sont extrêmement complexes. A leur profondeur psychologique s'allient des péripéties difficilement prévisibles qui font qu'on ne s'ennuie jamais à la lecture !