vendredi 24 décembre 2010

Christmas is all around...

Ce billet simplement pour souhaiter de bonnes fêtes de fin d'année à ceux qui passeraient par là. ;)

mardi 21 décembre 2010

Challenge Three Christie for Christmas

J'aime beaucoup Agatha Christie, que j'ai redécouverte il y a quelques années par le biais de deux de ses écrits autobiographiques, que je vous recommande car ils font apparaître la Duchesse du crime sous un jour très humain et très chaleureux :

La lecture de ces deux livres m'a incitée à relire toute son oeuvre policière, avec une vision plus chronologique de ses livres, et une meilleure appréciation de ce mélange d'esprit victorien et d'humour qui constitue sa marque de fabrique.

Et comme la passion qu'on éprouve pour un auteur ne demande qu'à être transmise, c'est assez naturellement que m'est venue l'idée de proposer le challenge "Three Christie for Christmas" sur Whoopsy Daisy, auquel je ne pouvais pas faire moins que de m'inscrire...

Il s'agissait de (re)lire trois livres de cet auteur, le premier mettant en scène Hercule Poirot, le second Miss Marple, et le troisième un autre détective que ceux susmentionnés, ou un livre publié sous le pseudonyme de Mary Westmacott.

Ce qui dans mon cas donnait la liste suivante :

C'est le plus long et, sans nul doute, le plus accompli des romans policiers de Christie qui, lorsqu'elle le portera à la scène en 1951, le débarrassera de la personnalité encombrante de Poirot. Le décor de la propriété de Sir Henry et Lady Lucy Angkatell est déjà celui d'une pièce de théâtre, où se joue un authentique drame shakespearien. Le Vallon, oeuvre maîtresse, dépasse largement les limites du genre.

Pourquoi est-ce que j'aime tant ce roman, l'un de mes préférés de la Duchesse du crime avec Cinq petits cochons ? Sans doute parce qu'Agatha Christie va très loin dans l'analyse psychologique des personnages de ce livre, en particulier lorsqu'elle dresse le portrait de l'épouse du mort et celui de sa maîtresse, sans doute aussi parce qu'elle formule mieux que personne ce que ressent l'artiste lorsqu'il créée une oeuvre, sans doute enfin parce que la composition de l'intrigue est parfaite, et les personnages secondaires savoureux.



Dans son Autobiographie, Agatha prétend ne se souvenir ni de l'époque exacte, ni du lieu où elle écrivit ce roman, pourtant l'un de ses meilleurs. Les premiers lecteurs de cette oeuvre qui marquait l'entrée en scène de Jane Marple purent découvrir un plan précis du petit village de St Mary Mead, devenu depuis l'archétype du théâtre du mystère campagnard... La personnalité victorienne de l'héroïne, cancanière et moraliste, mais surtout douée d'un sens de l'observation redoutable, submerge cette fiction qui fait date.

Peut-être pas mon préféré parmi les romans d'Agatha Christie, mais sans conteste un de ceux que j'apprécie le plus, pour sa description humoristique des moeurs et des travers des habitants d'un petit village typiquement anglais...



Joan Scudamore, l'héroïne de ce récit, est une femme parfaite et consciente de l'être. Jusqu'au jour où, désœuvrée, obligée d'attendre en plein désert le train qui la ramènera dans son douillet petit nid anglais, elle commence à remuer des souvenirs, à évoquer son mari, ses trois enfants... Détective lancée sur la piste de sa propre vie passée, elle rassemble, petit à petit, toutes les pièces du puzzle : une parole, un geste de l'un de ses proches et un portrait se dessine, inattendu, horrible-le sien...

Ce roman n'est pas un chef d'oeuvre, mais il est assurément troublant dans sa description d'une femme qui croyait avoir raison sur tout, et qui se prend d'un coup à douter de l'affection de son époux et de ses proches.

Et pour compléter ce panorama, je ne peux que vous recommander l'excellent livre de recettes de François Rivière et Anne Martinetti, un très bel ouvrage qui propose des recettes de cuisine établies à partir des romans d'Agatha Christie :


lundi 20 décembre 2010

The King's Speech, de Tom Hopper (2011).


The King's speech est le titre du prochain film avec Colin Firth. Prévu pour une sortie française en février 2011 et réalisé par Tom Hopper (The Damned United, John Adams, Elizabeth I, Daniel Deronda, etc), il mettra en scène l'acteur anglais dans le rôle du roi George VI.


The King's speech nous raconte l'histoire vraie et méconnue du père de l'actuelle Reine Élisabeth. Celui-ci va devenir, contraint et forcé, le Roi George VI, suite à l’abdication de son frère Édouard VII. D'apparence fragile, incapable de s'exprimer en public, considéré par certains comme inapte à la fonction, George VI affrontera son handicap grâce au soutien indéfectible de sa femme (Helena Bonham Carter) et surmontera ses peurs grâce à un thérapeute du langage aux méthodes peu conventionnelles (Geoffrey Rush). Sa voix retrouvée, il réussira à convaincre le peuple anglais de déclarer la guerre à Hitler.


Au casting, on retrouve Guy Pearce dans le rôle d'Edward VIII, Michael Gambon dans celui de George V, Timothy Spall dans celui de Winston Churchill, Derek Jacobi, etc. Le film marque aussi les retrouvailles d'un couple emblématique, puisque Jennifer Ehle y tient également un rôle, celui de l'épouse de Lionel Logue.

Le film est très attendu ; il arrive en tête des nominations cinématographiques aux Golden Globes, toutes catégories confondues, avec sept citations.

La bande-annonce :

Alors, tentés ? ;)

dimanche 19 décembre 2010

Tag des 15 auteurs.

Céline du Blog Bleu m'a taggée le lundi 8 novembre (c'est-à-dire il y a quarante jours exactement, ce qui, je crois, se passe de commentaire...), et je prends enfin le temps d'y répondre.


Voici le principe de ce tag :

Ne prenez pas trop de temps pour y penser. 15 auteurs (incluant les poètes), qui vous ont influencé et que vous garderez toujours dans votre cœur. Listez les 15 premiers dont vous vous souvenez en moins de 15 minutes. Taguez 15 amis et amusez-vous surtout !

Ces 15 auteurs, les voici classés dans l'ordre chronologique où je les ai découverts, avec un petit mot pour expliquer pourquoi ils m'ont marquée :



- Le premier d'entre eux : Racine, dont je lisais les pièces, petite, sans me douter le moins du monde qu'il s'agissait d'un grand classique. C'est écrit dans un style tellement pur... Ma pièce préférée ? Sans doute Phèdre, mais j'aime aussi beaucoup Andromaque, Britannicus, et Bajazet.

- Madame de Lafayette, pour La Princesse de Clèves, qui décrit avec tant de finesse et de subtilité les tourments d'une héroïne en tout point parfaite.

- Choderlos de Laclos, pour la noirceur de la mécanique impitoyable qu'il met en oeuvre dans Les Liaisons Dangereuses, et pour le brillant de son style.

- Homère, pour la façon à la fois unique et universelle dont il décrit l'humanité et la vie. Quand je relis Homère, j'ai l'impression de replonger en enfance, et en même temps de comprendre le sens caché de l'existence...

- Charlotte Brontë, que j'ai découvert à l'adolescence, et que j'admire pour son courage et son indépendance d'esprit.



- Emily Brontë, pour Les Hauts de Hurlevent, diamant brut, oeuvre unique et profondément originale, dont la violence ne peut trouver d'équivalent que chez Shakespeare.

- Daphné du Maurier, pour Rebecca et les questions morales que ce roman pose (même si à la relecture de ce roman, j'ai été déçue par l'héroïne, à laquelle je suis à présent incapable de m'identifier).

- Balzac, pour avoir été le premier à parler de la société telle qu'elle était, et pour le monde qu'il a su créer ; de lui, j'apprécie particulièrement La cousine Bette et Splendeurs et misères des courtisanes.

- Emile Zola, découvert vers l'age de 14-15 ans, auteur souvent mesestimé ; ses écrits montrent qu'il a eu la préscience de la psychanalyse, et sa manière de décrire est quasiment cinématographique. De lui, j'aime beaucoup La Curée, L'Argent, Nana... les romans plus "zoliens" comme L'assommoir ou Germinal me touchent moins, même si j'admire leur souffle épique.

- Stendhal, pour Le Rouge et le Noir, roman ironique, profond et brillant, et La Chartreuse de Parme, peut-être le seul roman où un auteur ait su parler du bonheur sans être ennuyeux.




- Gustave Flaubert, pour la manière dont il a écrit Madame Bovary (chaque phrase est merveilleusement ciselée) ; dans ce roman, son ironie, sa vision cruelle de la vie et son sens de la couleur sont inoubliables. A côté, L'Education sentimentale paraît tellement terne et presque monochrome...

- Marcel Proust, découvert vers l'age de 18 ans, et dont l'oeuvre s'est révélé un véritable enchantement ; j'aime la description qu'il fait de Combray, la manière dont il parle de choses que personne n'avait véritablement réussi à formuler avant lui, la manière dont il se moque des snobs et décrit les tourments de la passion amoureuse.

- Jane Austen, découvert vers l'age de 22 ans ; j'aime son bon sens, son ironie et son esprit subversif, l'esprit qu'elle déploie dans Orgueil et Préjugés, et la mélancolie subtile qui imprègne Persuasion, son dernier roman.

- Nancy Mitford, pour son esprit caustique et brillant ;

- J.K. Rowling, pour sa capacité à décrire un univers à la fois drôle et enchanteur.

Et je tagge tous ceux qui liront ce billet et auront envie de répondre à ce questionnaire. ;)

mardi 7 décembre 2010

Cléopâtre, de Joseph Mankiewicz (1963).

J'ai disparu de la blogosphère pendant 15 jours, mais me revoilà, avec de nouveau un long billet sur ce film pour le moins monumental. ;)

Ce peplum faillit plonger le studio de cinéma qui le produisit dans un gouffre financier, et son tournage se révéla aussi rocambolesque et épique que l'histoire qu'il met en scène, entre les problèmes rencontrés dans les studios de Londres - la pluie oblige les peintres à repeindre les décors tous les jours, et Elizabeth Taylor tombe malade - et ceux rencontrés en Italie - la liaison entre Elizabeth Taylor et Richard Burton déclenche un énorme scandale.

Le film faisait au départ 6 heures, avant d'être ramené à 4 heures, puis à deux. Des bobines ont été perdues, mais on peut aujourd'hui voir la version de 4 heures en dvd (pour l'anecdote, c'est à Londres que fut projetée la version de 2 heures, et Elizabeth Taylor, invitée à la première, fut obligée de sortir pour aller vomir aux toilettes, tant cette version lui parut tronquée et misérable ; elle avait l'impression que toutes les scènes où elle se jugeait bonne étaient passées à la poubelle).



Première partie :

En 48 avant Jésus-Christ, l'Empire Romain et l'Égypte sont secoués par deux crises parallèles ; d'une part, la guerre civile au cours de laquelle César (Rex Harrison) est victorieux de Pompée ; d'autre part, Ptolémée et Cléopâtre (Elizabeth Taylor), tous deux héritiers régnants, se disputent la couronne.

César qui a intérêt à ce que l'Égypte soit prospère, va mettre de l'ordre à Alexandrie. Cléopâtre le séduit. Il la met sur le trône et repart à Rome. Elle le rejoint deux ans plus tard. Et c'est la conspiration contre César et son assassinat par Brutus (Kenneth Haigh) lors des Ides de Mars. La reine d'Égypte regagne alors son pays.




Cette partie est intéressante, parce qu'elle permet l'introduction du personnage de Cléopâtre, qui parvient à entrer dans le palais d'Alexandrie enroulée dans un tapis. Elle est présentée à César, ce qui nous vaut un joyeux marivaudage. Le réalisateur et scénariste, Mankiewicz (qui tournait le film le jour et écrivait le scénario la nuit, ce qui était tellement épuisant qu'à la fin il fallait lui faire des piqûres pour qu'il tienne le coup) s'est inspiré des données historiques, de la pièce Jules César de Shakespeare, mais aussi d'une pièce de George Bernard Shaw. Les répliques sont savoureuses, et c'est dans cette partie du film que se trouve la scène la plus spectaculaire, l'entrée de Cléopâtre à Rome (bon, évidemment, ça rend mieux en dvd ) :



Une scène qui sera parodiée par Uderzo et Goscinny...



En réalité, cette scène relève de la pure fiction ; si Cléopâtre a bien séjourné à Rome, elle n'y a pas fait une entrée spectaculaire, mais la scène illustre son habileté politique : elle parvient à rallier le peuple à sa cause. Malheureusement, Rome n'est pas prête à adopter ses rêves de grandeur et à accepter Jules César pour roi, c'est pourquoi il est assassiné. Le film bascule dans la tragédie.

*

Deuxième partie :

Deux ans après, les meurtriers de César sont tous tombés sous les coups de Marc-Antoine (Richard Burton) le vengeur, qui gouverne maintenant en triumvirat avec Lépide et Octave (Roddy McDowall). Mais ce dernier n'aime pas Marc-Antoine et lorsque celui-ci, parti à son tour en Égypte, épouse Cléopâtre, il dresse Rome contre Alexandrie. Et c'est la bataille d'Actium où Marc-Antoine, après avoir abandonné la flotte écrasée, fuit pour rejoindre Cléopâtre. Il est déshonoré et abandonné par ses soldats lorsqu'il veut livrer bataille à Octave, en Égypte. L'ennemi refusant de le tuer en soldat, il se suicide avec Cléopâtre.




La deuxième partie du film est beaucoup plus dynamique que la première : Rex Harrison campait un César ironique et vieillissant ; Marc-Antoine, incarné par Richard Burton, a une personnalité bien différente. Fou amoureux d'Elizabeth Taylor, et réciproquement, cette alchimie exceptionnelle se ressent dans le film, qui du coup devient beaucoup moins statique. La relation entre Cléopâtre et Marc-Antoine est électrique ; à nouveau, des scènes spectaculaires (la bataille navale d'Actium) et une fin extrêmement noble et poignante des deux protagonistes. Le scénario est fidèle à l'histoire antique et à ce que raconte Plutarque ; Mankiewicz s'est également servi de la pièce de Shakespeare, Antoine et Cléopâtre. Je dirais que la dernière heure du film est sans doute la meilleure, car le reste souffre d'un caractère un peu trop théâtral et de quelques longueurs.

Malgré tout, cela reste un bon film, comme on n'en fera sans doute plus jamais, avec des décors et des figurants très nombreux, et un projet très ambitieux. Les trois acteurs principaux sont bons, mention spéciale à quelques rôles secondaires, Martin Landau dans le rôle de Ruffio, le second de César, et Roddy McDowall dans le rôle d'Octave, qui a droit à une scène à la fin, où il est magnifique.



En somme, un film assez fascinant.

mardi 23 novembre 2010

La Prisonnière des Sargasses, de Jean Rhys.


Toujours autant de billets en chantier, et aussi peu de temps devant moi, mais je dérobe un moment à mes activités diverses et variées pour vous parler d'un livre de Jean Rhys, paru en 1966, et qu'on peut considérer comme une réécriture de Jane Eyre du point de vue de la première femme de Rochester.


Je dois dire qu'à ma grande surprise, j'ai beaucoup aimé ce livre - j'avais lu des avis plutôt mitigés sur ce roman. C'est vraiment très bien écrit - Jean Rhys a une voix singulière et intéressante. La Prisonnière des Sargasses est certes un livre digne d'intérêt dans la mesure où il peut être considéré comme une réécriture du roman de Charlotte Brontë d'un point de vue différent, mais il peut aussi se lire indépendamment de cette grande oeuvre et susciter malgré tout la curiosité.

La vie dans les îles, l'histoire personnelle d'Antoinette Mason que son mari finira par appeler Berthe est extrêmement douloureuse. Son père meurt ; sa mère ne l'aime pas et lui préfère son fils, à moitié idiot ; elle se remarie, mais la maison familiale est incendiée par les habitants de l'île, et le frère d'Antoinette meurt. C'est pour cette raison que la mère devient folle. Eduquée (si on peut dire) dans un couvent, Antoinette, qui pense n'avoir d'autre choix que mourir, finit par se résigner à épouser un Anglais qui se marie avec elle essentiellement pour son argent. Elle en tombe amoureuse, croit à une possibilité de bonheur qui lui échappe malheureusement d'entre les mains.

Le racisme, le colonialisme, la condition féminine sont des points abordés en filigrane dans le roman. Jean Rhys se situe comme une héritière de ces femmes écrivains qui ont réussi à mettre en mot le malaise d'une condition inconfortable quand ce sont les hommes qui ont presque tous les droits, et les femmes quasiment aucun.

Antoinette peine à se définir par rapport à ses origines, par rapport à sa famille, à sa condition de femme et d'épouse.

Elle ne devient pas folle à cause de son hérédité (c'est du moins mon avis), mais à cause de son passé douloureux que les autres déforment, à cause de sa singularité, aussi, qui fait que les autres (les habitants de l'île, et surtout son époux) veulent qu'elle soit autre, veulent au sens propre l'aliéner : c'est alors qu'elle se rebelle, se met à boire et sombre dans la folie.

Certains commentateurs lui prêtent le même caractère qu'à Jane Eyre, à cause de la révolte constitutive des deux personnages. Jeu de miroir intéressant, mais à mon avis, les deux femmes sont quand même différentes : Antoinette est belle, comme sa mère, mais cette beauté fait son malheur, parce qu'elle est jalousée, et que son mari ne fait que la désirer physiquement. De plus, elle a le caractère propre aux habitants de son île, un mélange d'indolence et de défaitisme parfois, même si elle peut faire preuve de beaucoup de caractère. De plus, elle est intelligente, mais ne voit pas l'éducation, contrairement à Jane Eyre, comme une planche de salut. Sa richesse économique l'oppose également à ce personnage - sachant que cette richesse, en suscitant les convoitises, fera également son malheur.


Dans la deuxième partie, Jean Rhys fait s'exprimer "Rochester" - en réalité, je crois qu'il n'est pas nommé. C'est très troublant, parce qu'on retrouve des éléments de Jane Eyre, et on se rend compte qu'il veut bien faire, mais qu'il est incapable de comprendre sa femme, qu'il considère comme une étrangère, ou de l'aimer et d'avoir de l'affection pour elle. Quand les mauvaises langues lui révèlent le passé de sa femme, on a l'impression qu'il est trop heureux de trouver d'excellents prétextes pour repousser Antoinette, qu'il maltraite physiquement et moralement en ayant une aventure avec la servante noire alors que son épouse est dans la pièce d'à côté. Il décide également d'appeler cette dernière Bertha, depuis qu'il a appris que la mère de son épouse, devenue folle et régulièrement violée par son garde-malade, s'appelait ainsi.

Le texte est volontairement ambigu : Jean Rhys ne tranche pas en faveur d'Antoinette ou de son époux, mais lorsqu'il s'exprime, on a l'impression d'avoir affaire à quelqu'un de borné.


Un personnage secondaire joue un rôle très important dans l'appréciation qu'on peut avoir du mari : Philippine, la nounou d'Antoinette, la seule à être affectueuse avec elle et à lui venir quelque peu en aide. Elle est d'origine jamaïcaine si je me souviens bien, donc différente des autres habitants de l'île qui la considèrent comme une sorcière et redoutent ses pouvoirs magiques. Elle est souvent jugée antipathique par les autres protagonistes, elle est également recherchée par la police, mais Antoinette a confiance en elle, et Philippine essaiera de l'aider. Il y a une scène où Philippine dit ses quatre vérités à "Rochester", et malheureusement pour lui, ça sonne juste. Le mari d'Antoinette devient clairement antipathique sous nos yeux ; les circonstances vont l'amener à déclarer sa femme folle pour la spolier de son argent, mais en réalité, c'est lui qui l'a rendue telle qu'elle est en ne l'aimant pas, en refusant de la comprendre et de l'aider.

La toute fin de la deuxième partie, curieusement, m'a fait apparaître Rochester beaucoup plus humain, beaucoup plus émouvant - alors que jusqu'ici, il me faisait surtout l'effet d'un pauvre type assez méprisable, en fait -, et beaucoup plus proche du personnage décrit par Charlotte Brontë. Tout au long de ma lecture, je me suis refusée à identifier complètement les deux Rochester, mais j'avoue qu'il y a des faits troublants, particulièrement dans le fait qu'il a des appétits bien terrestres pour les femmes, et qu'il torture son épouse à petit feu.

Il est profondément troublé par ce qui lui arrive, au bord de la folie à cause de ce pays au climat étouffant, malade de la maladie et de la folie de sa femme. Il a l'intuition qu'il commet peut-être une gigantesque erreur, mais c'est la haine qui l'emporte - Antoinette a définitivement basculé de l'autre côté : elle boît, elle se donne à d'autres hommes et a des accès de folie. Cette partie du texte est extrêmement belle et lyrique, dans sa description de la région ; elle a quelque chose de poétique (j'ai beaucoup songé à certains vers de Saint-John Perse en la lisant, en particulier dans l'évocation des éléments : le vent, l'eau et le feu).

Le retour en Angleterre semble inévitable, la seule porte de salut pour Rochester, et la troisième partie, où l'on entend de nouveau la voix d'Antoinetta Mason, se déroule vraisemblablement à Thornfield Hall. Antoinette devient une autre femme, l'ombre d'elle-même ; elle souffre de confusion mentale, avec de rares périodes de lucidité. Sa logique n'est plus celle du commun des mortels, et elle profite des absences de Grace Poole (qui s'adonne, comme on le sait, à la boisson) pour rôder la nuit dans le manoir. Elle agresse également Richard Mason, mais ne conserve aucun souvenir de l'incident. Dans un rêve, elle comprend ce qu'elle doit faire : mettre le feu à la propriété. C'est en accomplissant ce suicide qu'Antoinette pourra se libérer des autres et d'elle-même.


J'ai vu que le roman avait été adapté à plusieurs reprises (au cinéma en 1993, et à la télévision en 2006), et j'avoue qu'après lecture du livre, j'ai davantage envie de les voir, même si certaines scènes doivent être assez dures.

En tout cas, c'est un livre magistral, un complément utile à la lecture de Jane Eyre, et un beau roman sur l'identité féminine, écrit dans un style original et poignant. Les descriptions de l'île et des grandes demeures où vivent les personnages sont très évocatrices.

Un grand merci à Damien et à Resmiranda, les organisateurs de la lecture de groupe "Jane Eyre dans tous ses états", sans qui je n'aurais certainement pas eu le courage de lire ce livre.

mardi 16 novembre 2010

Jane Eyre, de Cary Fukunaga (2011)

En ce moment, je n'ai guère de temps pour moi, et ce blog en pâtit un peu (pas moins de trois billets en suspens) et moi aussi, puisque je ne trouve même plus le temps de papillonner sur la blogosphère et de répondre à vos com'.

Pour tout de même conserver mon rythme de croisière d'un billet par semaine, et pour éviter de poster cette information quand elle commencera à sentir le moisi ^^, voici un minuscule billet sur la nouvelle adaptation en cours de Jane Eyre par Cary Fukunaga, avec Mia Wasikowska et Michael Fassbender dans les rôles principaux...


Au début, j'étais un peu sceptique quant à certains choix du casting, mais les informations qui filtrent laissent présager une adaptation intéressante.

L'affiche officielle est visible depuis quelques jours sur Internet ; elle est assez originale et plutôt élégante :


Et voici la bande-annonce, qui semble montrer que l'aspect gothique du roman n'a pas été laissé de côté :


Plutôt alléchant, non ? ;)

mardi 9 novembre 2010

Les Trois Mousquetaires, d'Alexandre Dumas.

En réalité, je compte moins parler du livre que des trois adaptations qu'il m'a été donné de voir du roman d'Alexandre Dumas. Les adaptations des livres de cet écrivain sont en effet légion. Petit échantillon :

- la version de 1948, avec Gene Kelly dans le rôle de d'Artagnan, Vincent Price dans le rôle du cardinal, Angela Lansbury dans le rôle de la reine, Lana Turner dans le rôle de Milady, n'est pas mal, encore qu'un peu vieillote. Le réalisateur était un habitué des comédies musicales, du coup les scènes de duel sont orchestrées comme des ballets. Une curiosité, souvent considérée comme la meilleure adaption existante par les cinéphiles.



- la version de 1973, par Richard Lester, et un certain nombre d'acteurs prestigieux, comprend trois volets : je n'ai vu que le premier et n'ai pas la moindre intention de voir les deux autres. Soit adulée, soit détestée, j'appartiens malheureusement à la deuxième catégorie de spectateurs.

C'est une adaptation qui cherche à coller au texte, avec des décors naturels somptueux (le film a été tourné en Espagne). Le réalisateur use de très beaux cadrages, et a voulu traduire ce qu'était la réalité du XVIIème siècle. Malheureusement, ça manque de souffle, et l'humour qu'on a cherché à insuffler à cette version tombe complètement à plat (ainsi, Constance Bonacieux est présentée comme très maladroite - mais ça ne fonctionne pas). Un des seuls intérêts de cette version : la représentation du pouvoir royal, avec un Louis XIII présenté comme faible, ne pensant qu'à ses plaisirs.



- la version Disney de 1993 enfin, souvent critiquée parce que très lisse : à ma grande suprise, j'ai bien aimé cette adaptation qui ne respecte pas le texte à la lettre (les ferrets disparaissent complètement de l'intrigue qui se résout au Louvre, alors que Richelieu cherche à assassiner Louis XIII).

Beaucoup de rebondissement inattendus, de l'humour ; l'esprit de Dumas, qui en aucun cas n'aurait voulu ennuyer ses lecteurs, est ici respecté. Pas un grand film, mais un très bon divertissement. Là encore, la représentation du pouvoir royal par les Américains est intéressante : le couple royal est présenté comme très jeune, et la reine aime Louis XIII ; le projet d'assassinat peut faire songer à l'histoire américaine (l'assassinat de J.F. Kennedy).



L'adaptation en 3D des Trois Mousquetaires par Paul W.S. Anderson, prévue pour 2011, sera-t-elle plus réussie ? Mystère, mystère...

lundi 1 novembre 2010

La femme de trente ans, de Balzac.

C'est un roman très court, constitué de six parties. Rapidement, on se rend compte que chacune d'entre elles constituait à l'origine une nouvelle indépendante, et que Balzac a procédé à des corrrections et améliorations pour faire tenir le tout ensemble. Cela donne un roman hybride, bizarre, mais incontestablement balzacien : comme l'auteur n'a pas eu le temps de peaufiner son travail, ce livre permet de mieux saisir sa personnalité d'auteur.

Julie de Chastillon est éprise d’un bel officier, Victor d’Aiglemont. Le père de la jeune fille, connaît toute la délicatesse d’âme de sa fille et la vulgarité profonde de Victor ; aussi cherche-t-il vainement à s’opposer à cet amour. Quelques mois plus tard, les jeunes gens sont mariés: l’incompatibilité de leurs caractères ajoutée à l’aversion physique qu’elle éprouve maintenant pour son mari tourmente cruellement Julie.

Balzac parle donc du mariage, de la sexualité féminine et des sentiments féminins à leur égard. Cela englobe tant les aspirations amoureuses juvéniles, vite déçues, que la jouissance sexuelle et sa frustration. Balzac parle ainsi de la brutalité sexuelle, proche du viol, que subissent doublement - physiquement et psychologiquement - les jeunes mariées ignorantes des choses de la vie, brutalité qui les dégoûte d'autant plus des plaisirs des sens que l'homme dispose du corps de sa femme comme il l'entend et est lui-même tout à fait ignorant des besoins de sa femme.

Julie d'Aiglemont est ainsi soumise aux pulsions de son mari Victor d'Aiglemont décrit par Balzac comme parfaitement médiocre, et inférieur à sa femme. Adorée par un jeune Lord anglais, Lord Arthur Grenville, qu’elle trouve séduisant, elle ne lui cède pas et provoque involontairement sa mort. Rongée de remords, saura-t-elle retrouver le goût à la vie ?

Il y a de très belles pages dans ce roman, qu'il s'agisse de l'évocation du départ de Napoléon et de son armée pour Austerlitz, de la description de la Touraine, la région dont Balzac était originaire, ou du portrait qui est fait de la femme de trente ans, Julie. Tour à tour épique, réaliste, romantique, rocambolesque, pathétique, ce roman épouse tous les genres et les registres et constitue un livre singulier, extrêmement moderne dans sa manière de parler de la féminité.

Chéri, de Colette.

Léa de Lonval, une courtisane de près de cinquante ans, est la maîtresse de Fred Peloux, appelé Chéri. À mesure qu'elle éprouve le manque de conviction croissant de son jeune amant, Léa ressent, avec un émerveillement désenchanté et la lucidité de l'amertume, les moindres effets d'une passion qui sera la dernière. Pourtant il suffira à Chéri d'épouser la jeune et tendre Edmée pour comprendre que la rupture avec Léa ne va pas sans regrets.

La peinture narquoise d'un certain milieu mondain, l'analyse subtile de l'âme féminine, les charmes cruels de la séduction, l'humour un peu triste de la romancière font de Chéri une des œuvres les plus attachantes et les plus célèbres de Colette.

Dernièrement, donc, j'ai lu Chéri dans le cadre de deux challenges : cela faisait longtemps que j'en entendais parler, par Emjy en particulier, et l'adaptation de Stephen Frears avec Michelle Pfeiffer et Rupert Friends sortie il y a quelque temps n'a fait qu'attiser ma curiosité.

Ce que j'ai pensé du livre ?

Au premier abord, je me suis dit que ce texte évoquait des sujets bien superficiels, et que cela n'avait finalement rien d'étonnant que Colette soit considérée comme un auteur mineur. En plus, la relation entre une courtisane âgée et une espèce de gigolo n'avait rien au départ pour vraiment me passionner.

Mais en réalité, le sujet de ce livre, même s'il peut paraître assez mince de prime abord, recèle beaucoup plus de profondeur que ce que l'on pourrait imaginer, puisque c'est à une réflexion douce-amère sur la vieillesse que nous sommes invités à lire. Beaucoup de finesse dans l'écriture et la psychologie des personnages.

Fred est agaçant ; on se demande souvent pourquoi Léa s'est entichée de lui si ce n'est pour satisfaire un caprice déviant, mais au final, on se rend compte que Chéri incarne la jeunesse, et que cette relation a quelque chose de fatal, dans la mesure où le temps qui passe condamne forcément les amants à une séparation douloureuse.

Un beau texte sur une époque révolue et sur ce que signifie le vieillissement pour une femme.


Pas encore vu le film, mais Michelle Pfeiffer a l'air tellement sublime dedans...

Et voici la bande-annonce du film de Stephen Frears :

vendredi 29 octobre 2010

Ma cousine Rachel, de Daphné du Maurier.


Daphné du Maurier, dont il était question ici l'autre jour, est une romancière surtout connue pour son roman Rebecca, qui fut adapté par Alfred Hitchcock en 1939, avec Joan Fontaine et Laurence Olivier dans les rôles principaux. Quand on y regarde de plus près, on constate que beaucoup de livres de la romancière furent finalement adaptés par le Maître du Suspense... Ma cousine Rachel échappe cependant à la règle.



L'histoire est celle de Philip, un jeune garçon élevé en Cornouailles par son oncle Ambroise, qui a des idées bien arrêtées sur l'éducation et l'élève en l'absence de toute présence féminine - il est célibataire et vieux garçon, et aucune femme ne fait partie de la domesticité - dans l'amour de ce qui est juste et de ce qui est bien. C'est pourquoi au début du roman - saisissante scène inaugurale - alors que le jeune Philip n'a que 7 ans, il l'emmène voir le corps d'un supplicié qui a tué sa femme, afin de lui rappeler quels sont les choix moraux qui s'offrent à lui en cette vie.

Philip est donc élevé pour devenir un second Ambroise, et les deux hommes, malgré la différence de génération, vivent de manière fusionnelle. Malheureusement, l'oncle Ambroise, l'âge venant, souffre de rhumatismes : qu'à cela ne tienne, il ira passer les hivers en Italie pour préserver sa santé, et Philip restera dans leur domaine de Cornouailles pour veiller au grain. Et puis, Ambroise, passionné de botanique, en profitera pour rapporter des espèces rares afin qu'elles puissent être replantées dans le parc...

C'est au cours d'un de ces voyages hivernaux qu'Ambroise sera amené à rencontrer sa cousine, Rachel, une jeune veuve qui vient de perdre son mari. Contre toute attente, ce vieux misogyne en tombe amoureux, et Philip, resté en Cornouailles, sans la connaître, la déteste, parce que d'une certaine manière, elle lui vole l'affection de son oncle ; aussi quand Ambroise lui écrira qu'il soupçonne sa femme de vouloir l'empoisonner, Philip le croira d'emblée.

Il se rend alors en Italie, où il apprend la mort d'Ambroise ; l'épouse de ce dernier, Rachel, à qui son Ambroise n'a rien légué, a disparu, et Philip jure de venger son oncle. De retour en Cornouailles, il apprend l'arrivée de Rachel et son souhait de le rencontrer ; il la reçoit alors dans son domaine, et force est de constater que Rachel n'a rien de la femme qu'il avait imaginée :

Ma première impression fut presque de stupéfaction à la trouver si petite. Elle m'arrivait à peine à l'épaule. [...] Elle était vêtue d'un noir mat qui retirait toute couleur à son visage, et il y avait de la dentelle à son cou et à ses poignets. Ses cheveux étaient bruns, partagés par une raie au milieu et noués en chignon sur la nuque, ses traits étaient nets et réguliers. La seule chose qu'elle eût de grand, c'était les yeux qui, à ma vue, s'élargirent avec un regard qui semblait soudain me reconnaître, surpris comme les yeux d'une biche, puis passèrent de là à la stupéfaction et de la stupéfaction au chagrin et presque à la terreur. Je vis le sang affluer à son visage puis s'en retirer. Je pense que je lui causais un choc égal à celui qu'elle avait provoqué en moi. Il eût été difficile de dire lequel de nous était le plus agité, le moins à l'aise.

Le choc de la jeune femme s'explique par le fait que Philip ressemble comme deux gouttes d'eau à Ambroise, mais en plus jeune...

Rapidement, Philip et Rachel sympathisent, et celle-ci finit par s'installer à demeure, ce qui nous vaut quelques belles scènes assez austeniennes dans leur esprit quand le pasteur des environs, sa femme et leurs filles viennent faire leur visite dominicale, ou quand Seecombe, le majordome, astique l'argenterie pour rendre les honneurs dus à la belle visiteuse - car il y a de l'humour dans ce roman, ce qui est suffisamment rare chez Daphné du Maurier pour être noté.

Philip ne tarde pas à s'éprendre de Rachel, lui qui était promis à Louise, la fille de son parrain - et tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais c'est sans compter sur l'esprit retors de l'auteur, qui nous réserve une surprise à sa façon...

Très anglais dans l'esprit, ce roman nous plonge dans les méandres de l'âme humaine et ravira tous ceux qui apprécient le don de la romancière pour le suspense psychologique.



Détail amusant, ce roman a été adapté en 1952 avec Olivia de Havilland, la soeur de Joan Fontaine, dans le rôle titre.

mercredi 27 octobre 2010

Challenge Ecole des Loisirs

Je clos de nouveau un challenge organisé sur Whoopsy Daisy par Emjy. Ce défi consistait à lire cinq titres édités par cette maison d'édition, qui propose depuis de nombreuses années des livres de qualité pour les enfants et la jeunesse.



Le principe était simple : lire 5 romans de l'Ecole des Loisirs. Seuls ceux de la collection Medium et Neuf étaient acceptés. Les Neuf étant plus courts, il fallait se limiter à deux.

Les 3 combinaisons possibles étaient donc les suivantes :

- 5 romans Médium
- 4 romans Médium et 1 Neuf
- 3 romans Médium et 2 Neuf

Il y avait une autre condition : parmi ces 5 romans, nous ne pouvions en choisir que 2 du même auteur

Naturellement, j'ai joué les mauvais élèves et n'ai pas du tout respecté les règles du jeu. Du coup, ma liste donnait à peu près ceci :

- Malika Ferdjoukh - Trouville Palace (Medium)
- Susie Morgenstern - Lettres d'amour de 0 à 10 (Medium)
- Malika Ferdjoukh - Aggie change de vie (Medium)
- Norma Huidobro - Une soupe de diamants (Medium)
- Lois Lowry - Les Willoughby (Medium)
- Malika Ferdjoukh - Taille 42 (Neuf)

Cherchez l'erreur. ^^

Et si je les place maintenant par ordre de préférence, cela nous donne...

1. Taille 42, de Malika Ferdjoukh, un très beau témoignage sur une famille juive pendant l'occupation :



2. Trouville Palace, de Malika Ferdjoukh, une nouvelle fantastique au charme certain :



3. Aggie change de vie, de Malika Ferdjoukh, où l'histoire d'une jeune fille qui réussit à se trouver une nouvelle famille :



4. Lettres d'amour de 0 à 10, de Susie Morgenstern, l'histoire d'un jeune garçon pas comme les autres :



5. Une soupe de diamants, de Norma Huidobro, un symathique polar argentin :



6. Les Willoughby, de Lois Lowry, un roman anglais peu concluant :



le véritable coup de coeur ayant porté sur Taille 42, qui peut aussi bien se lire par un adolescent que par un adulte.

De toute façon, depuis que je suis amenée à lire des ouvrages de l'Ecole des Loisirs, deux auteurs ont retenu mon attention : Marie-Aude Murail et Malika Ferdjoukh. Je me permets donc de recommander chaleureusement leurs ouvrages, car leurs talents respectifs ne peuvent que charmer le lecteur, petit ou grand.

De Marie-Aude Murail, j'apprécie tout particulièrement Simple, un ouvrage fin et sensible sur le handicap :

... et Miss Charity, un roman qui s'inspire de la vie de Beatrix Potter :



De Malika Ferdjoukh, outre Taille 42, j'apprécie aussi les Quatre Soeurs, qui se dévore d'une traite, et où l'auteur fait preuve d'une virtusosité verbale époustouflante :



En dehors de l'Ecole des Loisirs, je recommande aussi la saga des Harry Potter de J.K. Rowling, et dont la réputation n'est pas usurpée.

Et sinon, paru tout récemment, ce dictionnaire préfacé par Quentin Blake, l'illustrateur des livres de Roald Dahl en France, qui recense les 1001 livres d'enfants qu'il faut avoir lus pour grandir (tout simplement génialissime, car il permet de replonger dans l'enfance et de choisir des livres adaptés à l'âge de chacun ):


Marie-Aude Murail, Malika Ferdjoukh et J.K. Rowling y figurent d'ailleurs en bonne place ! ;)

Le monde infernal de Branwell Brontë, de Daphné du Maurier.

« Il mourut un dimanche matin, le 24 septembre 1848. Il avait trente et un ans. Il s’éteignit dans la chambre qu’il avait si longtemps partagée avec son père et où, enfant, s’éveillant dans la nuit, il voyait briller la lune à travers les fenêtres dépourvues de rideaux tandis que son père, à genoux, priait. Cette chambre, depuis de trop nombreux mois, était à la fois pour lui un refuge et une prison. »

Si la littérature consacrée à Charlotte, Emily et Anne Brontë abonde, si les romans de ces dernières, Jane Eyre, Les Hauts de Hurlevent et La Dame du château de Wildfell sont à juste titre considérés comme des œuvres majeures de la littérature mondiale, l’histoire a négligé l’importance de leur frère Patrick Branwell Brontë (1817-1848) dans leur processus de création.

Romancière anglaise universellement célébrée pour les chefs-d’œuvre de littérature romanesque que sont Rebecca et L’Auberge de la Jamaïque, Daphné Du Maurier (1907-1989) a voulu rendre hommage à ce frère tout aussi génial que maudit et à l’importance de son étroite collaboration avec les trois intéressées. Écrit en 1960, Le Monde infernal de Branwell Brontë évoque ainsi « l’enfer intérieur » que vécut le grand oublié de cette famille illustre. Tandis que Charlotte, Emily et Anne, portées par leur extraordinaire talent, se sont progressivement engagées sur la voie de la création, Branwell a cessé de cultiver sa fantastique fécondité littéraire et a sombré dans une inexorable autodestruction. « S’il apporte un nouvel éclairage sur un être si longtemps diffamé, négligé, méprisé même, et lui redonne la place qu’il mérite dans cette famille Brontë dont il fut, jusqu’aux années de complète déchéance, un membre tant aimé, ce livre n’aura pas été écrit en vain. »


Quand on découvre l'oeuvre d'une des soeurs Brontë, on a forcément envie de découvrir les autres oeuvres de cette fratrie, et voilà que sans y prendre garde, nous nous retrouvons happés par le destin de cette famille tout entière, avec l'irrésistible besoin d'en savoir plus sur chacun des membres qui la composent, l'irrépréssible envie de comprendre, surtout, quels mécanismes de création ont été mis en oeuvre pour aboutir à une oeuvre aussi forte, singulière et originale.

Après ma découverte de Jane Eyre de Charlotte Brontë il y a fort longtemps, j'ai enchaîné avec la lecture des Hauts de Hurlevent d'Emily Brontë, avant de m'initier aux oeuvres mineures des trois soeurs, puis de lire leurs écrits de jeunesse publiés par les éditions Bouquin.

Il y a quelques années, j'ai même poussé le vice jusqu'à lire la biographie qui fait référence, celle rédigée par Elizabeth Gaskell, un auteur ayant vécu à la même époque que Charlotte Brontë et ayant eu la chance de la côtoyer. Si mon avis - plutôt mitigé, je dois dire - sur cette biographie vous intéresse, vous pouvez le lire ici :

http://whoopsy-daisy.forumactif.net/jane-eyre-dans-tous-ses-etats-f49/la-vie-de-charlotte-bronte-par-elizabeth-gaskell-t1172.htm

Voilà où j'en étais, jusqu'à ce que la semaine dernière, je me décide à lire Le monde infernal de Branwell Brontë, de Daphné du Maurier.

J'aurais l'occasion de reparler de cet auteur dans un prochain billet, donc je n'en dis pas trop ; sachez simplement, pour ceux qui ne la connaissent pas encore, qu'il s'agit d'un écrivain britannique réputé dans les années 1950 pour ses romans, dont certains s'inspirent de l'atmosphère qui baigne les romans victoriens - ainsi, Rebecca n'est jamais rien d'autre qu'une réécriture très réussie de Jane Eyre. Notons aussi au passage que beaucoup des oeuvres de Daphné du Maurier (dont c'est le vrai nom, et non un pseudonyme - eh oui ;)) ont été adaptées au cinéma par Alfred Hitchcock, avec plus ou moins de bonheur.

Donc, Daphné du Maurier est l'auteur de ce livre sur Branwell Brontë et sa famille. Cela va m'être un peu difficile d'en parler, étant donné que je ne l'ai pas sous la main (une valise a une contenance limitée, et je privilégie les livres que je n'ai pas lus lorsque je dois choisir ceux que je mets dedans), mais voilà : moi qui ai horreur des biographies d'écrivain, j'ai tout bonnement été enchantée par celle-ci.

Pourquoi ? Parce que l'auteur est manifestement passionné par son sujet, et que cela se manifeste dans son écriture ; pour s'en convaincre, il suffit de lire le premier chapitre, où l'on trouve une description saisissante de ce que Branwell dut vivre et ressentir sur son lit de mort.

Branwell était le seul garçon de la famille ; orphelin de mère, ayant perdu ses deux soeurs aînées, sa famille attendait beaucoup de lui et il fut sans doute trop gâté. C'est ce qui explique en partie que ses talents, bien réels - il est sans doute celui qui poussa ses soeurs à l'écriture en inventant avec elles un monde irréel, d'où le titre du livre - furent gâchés, le conduisant à la déchéance (dépression, consommation d'alcool, d'opium et de laudanum) et à la mort. A cela s'ajoute d'autres circonstances et facteurs - une épilepsie probable, une absence de sociabilisation par l'école, une absence de rigueur, une difficulté à s'insérer socialement, et son aventure (supposée, ou réelle) avec la mère - mariée - des élèves dont il fut le précepteur.


Un portrait des trois soeurs Brontë par Branwell... qui s’est ensuite effacé volontairement de la toile.

Daphné du Maurier procède par reconstitution - et par imagination. Elle avance des hypothèses quand certaines données sont manquantes - et tranche, de manière souvent très subjective, faisant de Branwell Brontë un être qui ne réussit jamais vraiment à sortir de son monde imaginaire, malheureux de n'avoir pas réussi à devenir quelqu'un, jaloux de ses soeurs, qui lui cachèrent, pour le ménager, le fait qu'elles avaient réussi à publier leurs romans, le jeune homme finissant par s'enfermer dans le mensonge - avec beaucoup d'audace, Daphné du Maurier remet en question la version forgée par Branwell lui-même, selon laquelle il aurait eu une aventure avec Madame Robinson, la mère de ses élèves, pour expliquer son renvoi. Elle critique aussi son oeuvre, jugeant certains de ses poèmes brillants, d'autres absolument mauvais ; admire sa grandeur, stigmatise ses faiblesses. A la fois analyse critique et roman d'imagination, ce livre nous plonge en effet au plus près de l'univers de la famille Brontë en citant de nombreux extraits de la correspondance de chaque membre de la famille, ainsi que leurs poèmes et leurs écrits de jeunesse.

On peut ne pas être d'accord avec les conclusions qu'elle tire des faits et des écrits qu'elle rapporte - et ce fut souvent mon cas au cours de cette lecture, mais incontestablement, Daphné du Maurier a rédigé là un essai personnel, original et brillant, qui saura séduire tous les inconditionnels de cet écrivain et du sujet qu'elle traite. Quant à savoir si Branwell fut à l'origine des personnages de Rochester et de Heathcliff, je ne serais pas aussi catégorique que certains commentateurs sur la question, même s'il est probable que les trois soeurs se sont inspirées des figures masculines qu'elles côtoyaient - leur père, Branwell, et, dans le cas de Charlotte, Constantin Heger, en faisant fonctionner leur imagination, à la manière de la nacre que secrète l'huître autour de la poussière qui se trouve à l'intérieur de sa coquille.

mercredi 20 octobre 2010

Chez Maupassant.


Pour une fois qu'une chaîne de télévision française rend hommage à l'un des plus grands noms de la littérature, et ce depuis quelques années grâce à la série Chez Maupassant, cela valait la peine de s'y arrêter :



Dans ce dvd qui regroupe la saison 1, et qui bénéficie d'une très jolie jaquette, Cécile de France joue dans La Parure :



Elle incarne Mathilde Loisel, l'héroïne de la nouvelle, qui, invitée à un bal, emprunte une rivière de diamants à son amie.



La perte de ce bijou causera son malheur :



C'est Chabrol qui est à la barre, ce qui nous vaut quelques très belles scènes, qui ne sont pas sans évoquer Madame Bovary, du même réalisateur.

Malheureusement, même si j'aime beaucoup Cécile de France, je pense que ce choix de casting ne s'avère pas forcément judicieux, celle-ci étant beaucoup plus crédible dans des films où l'action se déroule à notre époque. Sa vivacité et son énergie naturelle rendent très peu vraisemblables le vieillissement et la déchéance physique de son personnage.

Les adaptations des nouvelles de Maupassant sont cependant toutes d'un très bon niveau, témoin Hautot père et fils, qui met en scène un gentilhomme normand dont le goût pour la chasse causera la perte. Sur son lit de mort, il révèle à son fils un secret qui bouleversera son existence. Les deux personnages principaux sont joués par Jean Rochefort et son fils.



L'habileté de ces adaptations, c'est qu'elles mettent en scène des acteurs connus, et d'autres qui le sont moins ; tous sont excellents, comme dans L'Héritage, qui révèle un Eddy Mitchell inattendu et extrêmement talentueux :



Ces adaptations révèlent un Maupassant tour à tour drôle, cynique ou féroce pour dénoncer les exactions commises durant la guerre franco-prussienne de 1870 dans Deux amis, où Philippe Torreton et Bruno Putzulu sont tout simplement brillants :





Un Maupassant plus inattendu et plus romantique apparaît au détour de Miss Harriet, une nouvelle qui met en scène un jeune peintre et une vieille fille anglaise qui logent chez l'habitant au bord de la mer, tous deux grands amoureux de la nature :



Poignante, Une fille de ferme met en scène une jeune paysanne victime des hommes, mais qui saura, à force de détermination, se créer une place au sein de la société :



Dans cette nouvelle, Maupassant m'a paru beaucoup moins misogyne que ce que je pensais.



Cette nouvelle se situe dans le droit fil de la dénonciation de la condition faite aux femmes dans Une Vie.

Enfin, dans un registre plus cocasse, Toine met en scène un paysan devenu infirme que sa femme oblige à couver des oeufs pour rapporter de l'argent au ménage :





Il me reste encore une ou deux nouvelles à regarder, mais je ne regrette absolument pas l'achat de ce dvd, et j'espère que nous verrons fleurir d'autres projets de ce genre sur le petit écran. En plus, ça m'a redonné envie de lire des nouvelles de Maupassant, car je me suis rendue compte que je ne connaissais pas cet auteur si bien que ça.