vendredi 9 novembre 2012

Parfums, de Philippe Claudel.

 


J'ai terminé hier soir Parfums de Philippe Claudel, une sorte d'abécédaire qui s'efforce de ressusciter les parfums que l'auteur associe à son enfance et à sa jeunesse. Entreprise à la fois baudelairienne et proustienne qui lie parfums et souvenirs ; exercice de style, aussi, qui fait un peu songer à Gracq et à son écriture du fragment ; certains passages ont la beauté des meilleurs vers de la langue française. Sous la plume de Claudel ressuscite le pays de son enfance, Dombasle, Nancy, les Vosges. Un peu inégal parfois, mais globalement un très beau livre, qu'on prend plaisir à feuilleter et à savourer.

Quelques passages choisis en guise de mise en bouche :

ALAMBIC
Car là, au profond d'un mystère que nous ne comprenons pas, c'est bien le soleil qui, dans les méandres du labyrinthe de cuivre chauffé, se change en eau-de-vie. Soleil des fruits d'or et de parme, mirabelles, poires, quetsches, prunelles sauvages, récoltées quelques mois plus tôt si mûrs au pied des arbres que leur poids sucré les a fait chuter et se fendre souvent, excédés de leur surabondance et de leur pulpe chaude, puis mêlés dans des tonneaux où, loin de pourrir, ils se sont mariés les uns aux autres en un moût entêtant et bulbeux. Dans la cabane au-dessus de la rivière se joue le dernier acte. La chair devient pur alcool.

SAPIN
Les sapins nous enveloppent de leurs basses branches. C'est un monde de quiétude, de bruissements d'abeilles, de cheminement, de limaces, de fourmillières pharaoniques, de geais qui filent, bleus, laissant parfois tomber une plume blanche chamarrée de gris que je plante dans mes cheveux. Je fouille les mousses qui retiennent même au plus chaud de l'été toujours un peu d'humidité, une spongiosité tourbée.


REMUGLE
Sans doute est-ce là, dans cette bibliothèque surannée, au profond du silence, parmi les visages absents de mes camarades et leurs corps ennuyés, enivré par le remugle - puisque c'est là le nom et l'odeur des vieux livres comme je l'appris bien plus tard -, que j'entre dans un pays, celui de la fiction et des mille sentiers, que je n'ai depuis jamais vraiment quittés. Je suis comme les livres. Je suis dans les livres. C'est le lieu où j'habite, lecteur et artisan, et qui me définit bien.
 
Livre lu dans le cadre des Matchs de la Rentrée Littéraire 2012, opération organisée par le site de Priceminister. Merci à Constance, à Summerday, et à Oliver. ;)


Note attribuée au livre : 16/20


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mercredi 7 novembre 2012

Une place à prendre, de J.K. Rowling.

 

J'ai terminé de lire Une place à prendre la semaine dernière, et je ressors de ma lecture avec un avis très mitigé.

Dès les premières pages, la mort brutale de Barry Fearbrother, un conseiller paroissal, nous plonge dans la vie quotidienne des habitants de Pagford, une petite bourgade comme il en existe des milliers en Angleterre. La mort de ce conseiller laisse une place vacante au conseil, qui est déchiré entre d'un côté les défenseurs de la tranquilité de Pagford, et de l'autre, ceux qui militent pour conserver dans la commune la cité des Champs, une zone où se trouvent des HLM et une clinique de désintoxication. La mort de Barry, fervent défenseur des Champs, pourrait définitivement faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre, et la bataille est donc rude pour occuper ce siège tant désiré.

Mais au-delà de cette lutte électorale, ce sont surtout les différents habitants de Pagford et des Champs que nous apprenons à connaître - une bonne quinzaine au total, et même si au départ il n'est pas forcément facile de s'y retrouver, on comprend vite qu'ils sont tous liés. Le lecteur côtoie alors des adolescents qui méprisent leurs parents, et des adultes tous plus médiocres les uns que les autres, n'hésitant pas à se poignarder mutuellement dans le dos pour servir leurs intérêts. J.K. Rowling dépeint de manière satirique une humanité égoïste, mesquine et hypocrite.

Le problème, c'est qu'à force de faire la liste, à travers ses personnages, de tous les maux dont souffre la société, J.K. Rowling finit par enfermer son microcosme dans quelque chose de complètement stéréotypé et caricatural. En effet, tous les couples sont dysfonctionnels, les vieux sont méchants, les riches sont méprisables, les pères sont pédophiles / voleurs / menteurs / violents ; les mères sont nymphomanes / droguées ; les ados se droguent / regardent du porno / se font des scarifications / se font violer... bref, tout y passe, et l'auteur ne nous fait grâce d'aucune réalité sordide, le tout en faisant adopter à ses personnages un langage souvent cru et vulgaire. Au milieu de cet océan de grisaille, émerge, parfois, une toute petite lueur d'espoir. Assez rapidement mise à mal par un dénouement inutilement mélodramatique et appuyé.

En somme, ce livre est intéressant à lire dans la mesure où J.K. Rowling sait camper un univers, s'aventure sur un terrain où on ne l'attend pas, et décrit avec acuité ses personnages, mais peut également être jugé long, lourd, et surtout mettre le lecteur très mal à l'aise.

J'ai lu sur ce livre l'avis d'une lectrice qui disait que le roman de J.K. Rowling lui avait fait l'effet que ressent tout quidam lorsqu'il assiste à un accident de voiture : il ne peut s'empêcher d'y jeter un coup d'oeil alors qu'il sait qu'il risque de voir des choses particulièrement morbides.

C'est exactement ce que j'ai resenti à la lecture d'Une place à prendre.
 
Livre lu dans le cadre des Matchs de la Rentrée Littéraire 2012, opération organisée par le site de Priceminister. ;)
 
 
Note attribuée au livre : 12/20
 

mercredi 10 octobre 2012

Vita Sackville-West.

Vita Sackville-West est une Anglaise, auteur de plusieurs romans, connue notamment pour la relation amoureuse qu'elle aurait entretenue avec Virginia Woolf.


J'ai lu trois de ses romans : Toute passion abolie, Plus jamais d'invités ! et dernièrement, grâce à Akina (alias Céline, du Blog Bleu) Haute Société.

J'ai plutôt bien aimé ces trois romans, qui révèlent la grande finesse d'écriture de leur auteur.


Toute passion abolie est l'histoire d'une dame Lady Slane de quatre-vingt huit ans, mère de six enfants, qui décide à la mort de son époux de vivre enfin sa vie, en faisant le choix de la solitude.

Le sujet est mince, mais c'est merveilleusement écrit et analysé, sans jamais être ennuyeux.

J'aimerais beaucoup voir ce livre adapté au cinéma : cette vieille dame issue de la bonne société qui décide, une fois devenue veuve, de vivre enfin sa vie après avoir été au service de la carrière politique de son mari pendant des années a quelque chose d'à la fois très drôle et très émouvant...

Les amis qu'elle se fait sont attachants, de même que sa relation à sa servante.

La façon dont elle décide, en tout bien tout honneur, de flouer ses descendants d'un héritage considérable est assez savoureuse...

Cette vieille dame a une sensibilité qui en fait quelqu'un d'à part. Après avoir abandonné son rêve de devenir peintre lorsqu'elle était jeune, sa confrontation avec sa nièce a quelque chose de touchant : c'est au passage de relai d'une génération à l'autre qu'on assiste, avec l'espoir qu'ont fait naître les changements sociaux des années 1920, qui autorisent enfin les femmes à mener une vie plus indépendante.


Plus jamais d'invités ! est un petit livre court, qui se lit facilement. Au fur et à mesure de l'histoire, on découvre que Rose, une femme dont les origines sont plutôt modestes, a accepté, en épousant Sir Walter, de ne jamais avoir de relations sexuelles avec lui, et de ne jamais se livrer à des effusions sentimentales. A quarante-deux ans, elle est donc toujours vierge, et on peut supposer que son mari aussi... Aux yeux de tout le monde, ils passent pour le couple parfait, mais cette façade va se craqueler au cours d'un week-end de Pâques où des proches et des amis sont invités dans leur magnifique demeure d'Anstey.


Le moins qu'on puisse dire, c'est que l'intrigue de départ est plutôt originale; le problème, c'est que même si le style de l'auteur est extrêmement fluide et son analyse des caractères subtile, beaucoup de choses présentent quand même un caractère soit invraisemblable, soit insignifiant. La fin m'a interpellée, car le château brûle : on pense inévitablement au dénouement de Jane Eyre et, plus tard, de Rebecca. Dans les trois cas, l'incendie permet une regénérescence.
Bref, ça se lit agréablement, mais l'intrigue aurait mérité d'être davantage "creusée".


J'ai poursuivi ma découverte de Vita Sackville-West avec Haute Société.

Evelyn Jarrold est une femme comblée. Âgée de trente-neuf ans, riche, veuve depuis quinze ans d'un homme qu'elle n'aimait pas, dotée d'un fils tendre et brillant qu'elle adore, aimée de tous, et surtout de sa belle famille, coqueluche de la Haute Société, elle tombe amoureuse de Miles Vane-Merrick, un jeune député, aristocrate et réformiste, de quinze ans plus jeune qu'elle. C'est le début d'une étrange histoire d'amour entre le député dévoué à son oeuvre, et Evelyn, plus soumise aux exigences de sa classe qu'elle ne le pensait.

J'ai beaucoup apprécié ce récit, sa finesse d'écriture, et sa justesse dans sa façon de décrire les classes sociales et la psychologie des personnages. J'ai été moins sensible à l'histoire d'amour et la fin m'a mise mal à l'aise - mourir d'amour ? - Il n'y a guère que dans les romans que ce genre de choses arrive. ^^ Mais les personnages secondaires sont très bien brossés et permettent de mieux appréhender l'histoire de la société anglaise, et c'est passionnant.

lundi 24 septembre 2012

Anna Karénine, de Léon Tolstoï.


J'ai lu cet ouvrage pour la première fois à l'âge de seize ans, dans une traduction ancienne et pas forcément très bonne, et j'avais vu l'une de ses adaptations cinématographiques quelques années auparavant : je suis complètement passée à côté de ce livre, alors que j'avais réussi à lire et à apprécier la même année Madame Bovary de Flaubert, ouvrage pourtant aussi ardu, abordant un thème similaire.



J'ai redécouvert Anna Karénine il y a quelque temps avec enchantement, et je n'ai eu aucun mal à aller jusqu'au bout du livre, contrairement à ce qui s'était passé les années précédentes.

Anna Karénine est un livre très bien écrit : chaque phrase est savoureuse. Les personnages sont très bien peints, qu'il s'agisse de Lévine, Kitty, Anna, Vronsky, ou de personnages apparemment moins importants. Le style de Tolstoï tient le juste milieu entre un Stendhal pour l'aspect ingénu et spirituel, et un Flaubert pour l'aspect réaliste. La société de l'époque est décrite très précisément, et Tolstoï excelle dans les scènes de genre (dîner, chasse, courses, bal, mariage...) et sait les renouveler en leur apportant beaucoup de fraîcheur. L'auteur fait preuve d'une grande finesse psychologique ; il sait rendre ses personnages vivants, parfois en mentionnant un seul détail de leur physique ou de leur caractère.

L'architecture de ce roman de moeurs est à la fois très savante et très discrète ; Anna Karénine n'est pas le personnage principal du livre, contrairement à ce que le titre pourrait nous faire penser.

La structure repose en fait sur trois couples :

- Stépane Arcadievitch Oblonsky et Daria Alexandrovna ;

- Lévine et Kitty Chtcherbatzki ;

- Anna Karénine, d'abord mariée à Alexis Alexandrovitch, et qui deviendra ensuite la maîtresse de Vronski.

Ces trois couples sont l'occasion pour Tolstoï de livrer au lecteur sa vision du monde et de se livrer à des réflexions métaphysiques, sans pour autant être didactique.

Lévine et Anna sont deux personnages qui seront amenés à se croiser dans le roman, et qui, bien que très différents, sont les vecteurs d'une même interrogation sur le monde et sur ce qui fait le sens de la vie. Sauf que Lévine aura plus de chance qu'Anna, parce qu'il est un homme, et elle une femme, et qu'ils vivent dans une société profondément inégalitaire de ce point de vue là.

Tolstoï a mis beaucoup de lui-même dans le personnage de Lévine, et il a su capturer à merveille l'essence d'Anna, ce personnage féminin si troublant, qu'il désapprouve d'un point de vue moral, mais qu'il justifie d'un point de vue romanesque. Même si Anna a un comportement que l'on ne peut juger qu'immoral pour l'époque, sa quête d'un sens à sa vie donne sa légitimité à ce personnage, malgré ses erreurs et ses errances.



L'adaptation avec Sophie Marceau ne rend que très imparfaitement justice à ce chef d'oeuvre littéraire, mais reste intéressante à analyser. Il existe aussi une adaptation avec Vivien Leigh, qui fait référence. Et il est beaucoup question depuis un moment de la récente adaptation de Joe Wright avec Keira Knightley, qui devrait sortir sur nos écrans dans quelques mois. Les quelques extraits vidéos qui circulent sur le net ainsi que les affiches du film laissent présager un joyeux jeu de massacre...

J'irai sans doute la voir, plus pour rigoler qu'autre chose ! ^^

lundi 10 septembre 2012

Arsenic et vieilles dentelles, de Frank Capra (1944).

 
Si vous ne connaissez pas Arsenic et vieilles dentelles, vous devez absolument vous procurer ce grand classique de la comédie américaine !
 
 
 
Vu lors d'une rétrospective, c'est l'un des rares films où j'ai vu les spectateurs se lever à la fin de la projection pour applaudir !

Arsenic et vieilles dentelles est adapté d'une pièce de théâtre jouée à Broadway de 1941 à 1944 et adaptée par Frank Capra pour le cinéma.
 
 
Mortimer Brewster vient annoncer à ses deux tantes, Abby et Martha, qui l'ont élevé, son prochain mariage avec la fille du révérend Harper, qui habite à quelques dizaines de mètres de là. Mais il découvre, caché dans un coffre sous la fenêtre, le cadavre d'un vieil homme. Ses deux tantes lui avouent alors, le plus ingénument et le plus naturellement du monde, qu'elles se sont fait une spécialité de supprimer les vieux messieurs seuls au monde en vue de leur rendre service...
 
 
Si le film sent un peu la pièce de théâtre (le spectateur est plongé dans un huis clos quasi permanent), les rebondissements du film, et l'interprétation ne peuvent manquer de marquer les esprits : on retiendra le couple formé par le piètre chirurgien esthétique Peter Lorre et son malheureux patient Raymond Massey, à qui il a fait la tête de Frankenstein tel qu'il était interprété par Boris Karloff, et surtout l'interprétation de Cary Grant qui montre toute l'étendue de ses talents comiques dans sa plongée, progressive et ahurie, dans une simili-folie.
 

mercredi 5 septembre 2012

L'Idiot, de Dostoïevski.


"La beauté sauvera le monde" : cette phrase, à la fois très belle et très mystérieuse, Dostoïevski la met dans la bouche du personnage principal de son roman, le prince Mychkine, un être dont la bonté confine à la naïveté et à l'idiotie.

Après avoir passé sa jeunesse en Suisse dans un sanatorium pour soigner son épilepsie (maladie dont était également atteint Dostoïevski) , le prince Mychkine retourne en Russie, sans sou ni attache, mais avec un certificat de noblesse en poche. Amené à frayer avec les membres de la noblesse russe, il se rend à la soirée d'anniversaire de Nastassia Filippovna, une femme perdue que Rogojine, un jeune marchand complètement ivre, se propose d'acheter contre une forte somme d'argent. Le prince perçoit le désespoir de Nastassia Filippovna, en tombe maladivement amoureux, et lui propose de l'épouser, mais après avoir accepté son offre, elle s'enfuit avec Rogojine. C'est le point de départ d'une intrigue aux mutiples rebondissements...

Difficile de rendre compte de ce roman qu'on peut néanmoins qualifier de mystique, dans la mesure où l'on peut reconnaître la figure du Christ derrière le personnage principal. Un tableau de Holbein pose d'ailleurs la question de la foi religieuse : peut-on encore croire en Dieu lorsqu'on a vu ce Christ mort d'un réalisme terrifiant ?


Dans ce livre à la fois drôle et tragique, Dostoïveski pose les questions qui lui tiennent à coeur, qu'elles soient littéraires, sociales, psychologiques, politiques et religieuses, sans jamais tomber dans la lourdeur. Les personnages qui gravitent autour du prince sont tout à fait intéressants, car, hommes ou femmes, ils sont extrêmement complexes. A leur profondeur psychologique s'allient des péripéties difficilement prévisibles qui font qu'on ne s'ennuie jamais à la lecture !

vendredi 31 août 2012

Agatha Christie, An Autobiography.

 
S'il y a bien un ouvrage qui vaut vraiment le détour, y compris pour les lecteurs qui n'auraient jamais lu un seul roman policier d'Agatha Christie, c'est bien son autobiographie.
 
 
 
C'est un ouvrage passionnant que je ne me lasse jamais de relire et que je ne saurais trop vous recommander ; vous la trouverez aux éditions du Masque : elle s'intitule tout bêtement une autobiographie et a été excellement traduite par Jean-Michel Alamagny - mais on peut aussi se la procurer en anglais.

Le désir de faire le récit détaillé de sa vie est venu à Agatha Christie à l'âge de 59 ans, à Nimrud, en Irak, le 2 avril 1950, comme elle le raconte elle-même dans son livre :

Je suis censée m'atteler à un roman policier, mais succombant à la tentation naturelle de l'écrivain d'écrire tout sauf ce dont il est convenu, me voilà prise du désir inattendu de rédiger mon autobiographie. Cette irrépressible envie nous guette tous tôt ou tard, me suis-je laissé dire. Elle m'est venue d'un coup.


Voilà, le ton est donné. Cette autobiographie, Agatha l'achèvera en 1965 ; elle ne paraîtra qu'après sa mort, en 1977.


En la lisant, vous découvrirez ce que fut son enfance au sein d'une famille de la bonne bourgeoisie de Torquay, puis sa jeunesse, au temps de la belle époque, et son mariage avec le séduisant Archibald Christie, juste avant la guerre de 1914-18. Pendant la guerre, elle devient préparatrice en pharmacie ; c'est en travaillant dans son laboratoire qu'elle eut l'idée d'écrire un roman policier. Ce sera La Mystérieuse affaire de Styles, prélude à une longue carrière...

Faire le résumé complet du livre serait trop long et risquerait de vous dissuader d'en faire la lecture, mais sachez que contre toute attente, Agatha Christie a eu une vie absolument passionante, qu'elle a fait plusieurs fois le tour du monde, rencontré des gens tout à fait singuliers, et que, last but non least, elle était dotée d'un formidable sens de l'humour, qui se manifeste à chaque page, pour notre plus grand bonheur.
 

Mais le livre ne se borne pas à être une succession d'anecdotes amusantes ; il est l'occasion pour Agatha Christie de nous livrer sans lourdeur aucune ce que son expérience lui a appris.

Nul besoin, en tout cas, d'avoir lu ses romans policiers pour savourer cet ouvrage, qui permet toutefois aux initiés de mieux comprendre son oeuvre, et le pourquoi du comment de l'atmosphère unique qui caractérise ses livres.

A bien des égards, Agatha Christie est l'héritière des femmes de l'époque victorienne : elle éprouvait d'ailleurs une grande nostalgie pour cette période, mais avait suffisamment de bon sens pour apprécier les avantages procurés par le présent.

Amoureuse du théâtre, elle sut donner au roman policier ses lettres de noblesse en le transformant en un rituel régi par des codes extrêmement stricts.

Intelligente et sensible, elle avait une idée bien précise de ce qu'est le mal et le considérait sans complaisance aucune.
 

Cependant, ce qui frappe surtout à la lecture, et laisse une impression durable, c'est cet extraordinaire optimisme, qui n'a rien de stupidement béat, tant s'en faut.

Une formidable leçon de vie.
Et un livre à mettre entre toutes les mains.


jeudi 23 août 2012

Un homme au singulier... le livre et le film.

 
Je prends enfin le temps de poster mon avis sur A single man, le film de Tom Ford. Lorsque j'ai vu ce film en dvd, j'ai découvert un film intimiste absolument sublime, dont les thèmes - le deuil, la solitude, la différence, mais aussi l'amour, le bonheur et la vie - touchent, parce qu'ils sont tout simplement universels .

Je ne connaissais pas du tout Tom Ford en tant que grand couturier, j'avais simplement lu quelques critiques cinématographiques où l'on soulignait son style esthétisant, soit pour le louer, soit pour le blâmer.

En regardant le film, on songe à Wong Kar Waï mais aussi à Douglas Sirk qui ont un style et des thèmes similaires ; cependant, Tom Ford a une esthétique propre, et j'espère vraiment que ses prochains films nous permettront de la découvrir plus en profondeur.

Le film est en effet extrêmement travaillé au niveau de la mise en scène, et ce dès le générique (des corps masculins flottent dans une eau à la fois symbole de mort et de vie) et la scène d'ouverture (George, joué par Colin Firth, rêve de l'accident de voiture survenu huit mois plus tôt à son compagnon, et imagine un paysage froid, lunaire, au coeur duquel il vient déposer un baiser d'adieu sur les lèvres de son ami - réveil en sursaut, ce n'était qu'un rêve, et le stylo avec lequel il était en train d'écrire au moment de se coucher s'est vidé de son encre).



Chaque plan est ciselé, avec des couleurs généralement extrêmement froides : ce jour là, George a décidé que ce serait le dernier, étant donné qu'il n'arrive pas à surmonter le deuil de Jim et que la vie lui est devenue insupportable. Cependant, des moments de grâce vont illuminer sa journée, et à ces moments là, la caméra réchauffe les couleurs : procédé un peu facile, peut-être, mais efficace.

Le fait que l'intrigue se déroule dans les années 1960 contribue à l'atmosphère rétro et raffinée du film, avec un jeu sur les lignes et les courbes des décors, des costumes, etc.

Colin Firth livre une très belle interprétation, peut-être meilleure encore que dans Le discours d'un roi. Il réussit, avec un simple changement d'expression, à suggérer toute une palette d'émotion. Il est sans cesse sur le fil, entre la rigidité propre à son personnage et son extrême vulnérabilité. Ainsi, sur le campus, alors qu'il cherche son pistolet dans sa sacoche et qu'il est dans sa voiture, il est interrompu par un étudiant qui cherche à créer un lien personnel avec lui ; il le rabroue sévèrement, toute son attitude est celle du professeur rigide et sévère qui s'efforce d'avoir une attitude professionnelle, mais le regard cerclé de lunettes exprime bien sa faiblesse extrême.



On a souligné la performance de Julianne Moore, qui joue l'amie de Colin Firth, divorcée, et qui est amoureuse de George. Elle joue très bien, cependant, ce n'est pas sa performance que j'ai retenue, ou son histoire, mais bien plutôt les différentes rencontres de George au cours de cette journée :

- celle de la petite fille des voisins à la banque, qui donne lieu à une scène extrêmement drôle :



- celle de la mère de cette petite fille, lumineuse :



- celle d'un prostitué espagnol qui ressemble à James Dean ;

- celle d'un étudiant avec lequel une complicité véritable va se nouer :




Le film m'a beaucoup émue et touchée ; et après l'avoir vu, je n'ai plus eu qu'une hâte, lire le roman de Christopher Isherwood.

En le lisant, on réalise mieux le formidable travail de scénariste réalisé par Tom Ford ; sur beaucoup de points, le livre diffère du film ; le roman de Christopher Isherwood est très bien écrit, et par moment très moderne et très surprenant ; certains passages forcent d'ailleurs l'admiration tant ils sonnent juste ou révèlent un talent exceptionnel de l'auteur, mais Tom Ford s'en est davantage servi comme d'une trame qu'il a réussi à sublimer et à transformer en y insérant une manière de voir le monde qui lui est propre.

Bref, A single man est vraiment un film à voir, car le réalisateur livre une oeuvre raffinée, subtile et sensible ; Colin Firth, filmé amoureusement, est exceptionnel ; enfin, les thèmes du film et sa manière de voir le monde ne peuvent que toucher le spectateur, quel qu'il soit.

mercredi 15 août 2012

La pluie avant qu'elle tombe, de Jonathan Coe.

J'entends régulièrement parler de Jonathan Coe ; il ya quelques mois, j'ai pu découvrir son dernier roman, La pluie avant qu'elle tombe.



Rosamond vient de mourir, mais sa voix résonne encore, dans une confession enregistrée, adressée à la mystérieuse Imogen. S'appuyant sur vingt photos soigneusement choisies, elle laisse libre cours à ses souvenirs et raconte, des années quarante à aujourd'hui, l'histoire de trois générations de femmes, liées par le désir, l'enfance perdue et quelques lieux magiques. Et de son récit douloureux et intense naît une question, lancinante : y a-t-il une logique qui préside à ces existences ?


J'ai trouvé l'intrigue extrêmement bien menée, avec cette femme qui décède mais laisse en héritage une série de cassettes où elle commente vingt photos de famille pour expliquer à Imogen, la petite fille de sa meilleure amie, son histoire si particulière.

C'est un roman très féminin (il y a très peu de personnages masculins dans l'intrigue), très bien écrit et très mélancolique, puisqu'il met en avant des histoires familiales extrêmement tourmentées, et le rôle du hasard et peut-être de l'hérédité dans ce qui arrive aux différents personnages.

En fait, j'ai pris grand plaisir à le lire, jusqu'à ce que je referme la dernière page [Attention, spoiler : c'est à ce moment là que j'ai réalisé combien cette histoire était triste, et par certains aspects peu vraisemblable (j'ai du mal à comprendre pourquoi celle qui raconte cette histoire sur ces bandes audio se focalise sur la petite fille de Beatrix, alors qu'une fois parvenue à l'âge adulte, elle se met à la détester - Beatrix lui apparaît en effet comme extrêmement manipulatrice. Au fond, que peut bien représenter Imogen pour elle ? Veut-elle combler son désir de maternité en s'occupant de Théa, puis de sa fille Imogen ? Je n'ai pas bien saisi)].

Dans le même genre, j'ai préféré L'étrange disparition d'Esme Lennox, qui m'a davantage touchée et laissée sur une meilleure impression ; je pense cependant que l'écriture de Jonathan Coe est supérieure à celle de Maggie O'Farrell. Voilà en tout cas deux romans qui présentent des points communs, et dont la lecture est vraiment passionnante.

La lecture de La pluie avant qu'elle tombe m'incite à essayer de lire d'autres livres de cet auteur ; surtout que ce roman semble un peu à part dans sa bibliographie.

mardi 7 août 2012

Jane Eyre, de Cary Fukunaga (2011).

J'ai vu cette adaptation jeudi dernier, et j'ai plutôt bien aimé. Je trouve que c'est à la fois une bonne adaptation et un bon film.


L'une des grandes forces de cette réalisation, c'est sa construction. Cary Fukunaga a osé destructurer la trame narrative du roman, et ce choix s'est révélé heureux. Du coup, on n'a pas une plate mise en images du roman comme c'est souvent le cas dans beaucoup d'adaptations, mais un film à la structure intéressante. L'intrigue débute en effet lorsque Jane s'enfuit du château après son mariage avorté. Cela surprend le spectateur qui connaît le livre, et intrigue celui qui est dans l'ignorance : qu'est-il arrivé à cette jeune fille pour qu'elle prenne ainsi la fuite ? Recueillie par les Rivers, elle se remémore son passé par flash back : Gateshead, Lowood, son arrivée à Thornfield Hall.


Globalement, j'ai trouvé toute la première partie du film très réussie : Mia Wasikowska se révèle une meilleure Jane Eyre que ce à quoi je m'attendais. Son jeu est simple, mais sonne de manière juste et convaincante. Il repose essentiellement sur les expressions de son visage (et qu'est-ce qu'on est content d'avoir affaire à une actrice plus expressive que Charlotte Gainsbourg dans la version de 1996, avec son éternel abat-jour fixé sur la tête, et son jeu monotone et inexpressif !). Bien sûr, difficile pour l'actrice de rendre toutes les facettes du personnage, mais sa prestation est honnêtes. Quant aux comédiens qui interprètent les rôles secondaires, ils sont très bons ; les costumes et les décors sont beaux (c'est quand même important dans ce type de film ! ;) ; la fuite éperdue sous la pluie et la nuit dans la bruyère m'ont beaucoup fait songer à ce tableau préraphélite :


On a quelque chose qui nous tire du côté d'un romantisme assez sombre dans le début du film, et en ce sens, on perçoit mieux la parenté du livre avec Les Hauts de Hurlevent. L'aspect gothique est également assez présent, au moins dans la première partie.

Par moment cependant, j'ai trouvé que d'une manière générale, le réalisateur forçait un tout petit peu trop le trait (les pleurs de Jane au début, la reconstitution de l'enfance que je trouve beaucoup trop misérabiliste dans ses choix de mise en scène - je soupçonne d'ailleurs le réalisateur d'avoir un peu trop lorgné du côté de l'adaptation de 1996 pour cette partie là, car ce sont quasiment les mêmes scènes qui sont privilégiées), et ce trait un tout petit peu trop appuyé, je l'ai retrouvé dans la suite du film (par exemple, dans cette scène où Jane contemple une gravure d'une femme nue, scène censée montrer son éveil à la sensualité - j'ai trouvé ça un tout petit peu lourd et inutile, tout comme la scène de quasi-baiser).


La seconde partie du film, cependant, ne démérite pas par rapport à la première. Plus lumineuse, elle permet au spectateur de découvrir Rochester - et Michael Fassbender campe un très bon Rochester, tout à tour taquin et tourmenté. Bien sûr, il est trop beau pour le rôle, mais son jeu est excellent, et on se prend à regretter qu'il n'occupe pas davantage de temps à l'écran. Car les scènes de dialogue avec Jane permettent d'introduire les rares moments humoristiques du film, qui sont comme des bouffées d'oxygène au milieu d'une atmosphère très sombre. Mais comme ces scènes de dialogue sont courtes ! Je veux bien croire que cela sert l'efficacité narrative du film, mais je trouve cette rapidité un poil dommage. Une scène supplémentaire pour voir la complicité entre Jane et Rochester s'installer n'aurait pas été de trop.

On se laisse emporter jusqu'au mariage, et la scène qui suit la carémonie ratée est juste excellente - la meilleure du film selon moi, Michael Fassbender s'y révèle un excelelnt interprète des tourments intérieurs du personnage. Et la fin est très bien, même si le réalisateur s'est manifestement inspiré de l'adaptation de 1944 cette fois dans son traitement, puisque Jane Eyre retrouve Mrs Fairfax dans les ruines du château - pourquoi pas, mais c'est un tout petit peu moins bon que dans la version originale.


En somme, une bonne adaptation et un bon film que je prendrai plaisir à revoir. Alors bien sûr, j'airais aimé que la révolte intérieure de Jane soit davantage sensible, que Saint-John Rivers soit interprété par un comédien beau à damner pour mieux montrer à quel point il représente une alternative tentante pour l'héroïne, mais face à une adaptation sobre et intelligente, on ne va pas bouder son plaisir.

mardi 24 juillet 2012

Ma brillante carrière, de Miles Franklin.




Miles Franklin est une femme. Son nom complet est Stella Maria Sarah Miles Franklin. Née en 1979, elle est auteur et une féministe australienne. C'est à l'âge de vingt ans qu'elle publie son premier roman, et aussi son plus célèbre : Ma Brillante Carrière. Ce roman est encore à ce jour considéré comme l'un des plus grands classiques de la littérature australienne et de la littérature féministe. Inspiré de sa propre vie, Ma Brillante Carrière nous raconte l'aventure intérieure, sentimentale, familiale de Sybylla Melvyn.


Notre héroïne est une jeune fille au tempérament de feu et à l'imagination débordante, qui grandit dans l'Australie rurale des années 1890. Sa famille est réduite à la pauvreté à cause de mauvais investissements et de l'alcoolisme du père. Sybylla se voit donc contrainte de travailler dur et de faire face à la monotonie d'une vie de labeur. A son grand soulagement, sa mère, qui ne sait plus quoi faire de sa fille, décide de l'envoyer séjourner chez sa grand-mère. Sybylla découvre alors qu'une vie plus confortable y est possible. Là-bas, elle rencontre le jeune et riche Harry Beecham, qui s'éprend étrangement de ce brin de jeune fille au mauvais caractère et aux allures de garçon manqué, retrouve ses tante et oncle, se met à lire comme jamais et fréquente une société moins étriquée que celle qu'elle connaissait jusqu'ici. Mais avec le temps, l'alcoolisme de son père a empiré et est prêt de causer la ruine de sa famille. Sybylla est donc envoyée séance tenante comme gouvernante/femme de ménage chez une famille d'illetrés dans un coin perdu du bush australien...

J'ai fini ce livre hier soir, et ma foi, Ma brillante carrière est un livre qui ne laisse pas indifférent, et son héroïne encore moins - c'est elle qui nous fait le récit de son histoire, depuis son enfance jusqu'à l'âge adulte.

Sybilla est une jeune fille très exaltée ; lorsqu'elle nous rapporte ses impressions, ses faits et ses gestes, elle fait rarement dans la demi-mesure, d'où le ton très particulier du récit, qui alterne entre les sentiments de l'héroïne et la description des paysages australiens et du fonctionnement des fermes.

Sybylla mêle des aspects sympathiques à d'autres, plus antipathiques. Ainsi, elle aime jouer avec les nerfs des autres personnages, mais c'est parce qu'elle est passionnée et qu'elle manque d'assurance à cause d'un physique qu'elle juge disgrâcieux. Elle a en permanence besoin de vérifier que l'affection des autres pour elle est bien réelle. Cela la conduit à être parfois très égoïste et très narcissique, mais c'est de sa part pleinement assumé.

Ses bizarreries de caractère et son comportement de garçon manqué n'empêcheront pas Harry Beecham, de tomber amoureux d'elle. Riche propriétaire terrien, garçon brave et solide, c'est un personnage doté d'une grande élégance morale qui subira quelques revers de fortune au cours du roman, tout comme l'héroïne, qui, même si elle s'en défend, est très sensible à son charme.

Sybylla m'a davantage touchée lorsqu'elle est confrontée à un certain nombre d'épreuves dans la seconde moitié du roman, qui prend alors des allures de récit d'apprentissage. Elle souffre de devoir jouer les institutrices dans une famille aussi sale et peu cultivée, mais le récit de son expérience n'est pas dénuée d'humour.

Elle souffre également de l'incompréhension de sa famile et de sa mère à son égard, ainsi que du comportement conventionnel que tout le monde voudrait lui voir adopter.

Cela la conduira à prendre une décision extrême à la fin du roman, que personnellement j'ai regrettée, mais que j'ai également trouvée très courageuse.

Ce roman très bien écrit m'a donné envie de découvrir d'autres livres de Miles Franklin ; j'aimerais également beaucoup découvrir l'adaptation cinématographique de Ma brillante carrière par Gillian Armstrong.


Judy Davis y est paraît-il remarquable...

vendredi 20 juillet 2012

Drôle de temps pour un mariage, de Julia Strachey.


Julia Strachey (1901-1979) est un écrivain britannique, qui a connu ses heures de gloire en tant que mannequin et photographe. Son oncle, l'historien Lytton Strachey, lui a fait rencontrer son amie Virginia Woolf, ainsi que son mari Leonard. En 1932, les Woolf publient Drôle de temps pour un mariage (Cheerful Weather for the wedding) à la Hogarth Press. Ce court roman reste, à ce jour, son ouvrage plus célèbre.

« Le 5 mars, Mrs Thatcham, une veuve de la bourgeoisie, maria sa fille aînée Dolly, âgée de vingt-trois ans, à Owen Bigham, de huit ans son aîné et employé par les services diplomatiques. » Drôle de temps pour un mariage raconte cette journée, le va-et-vient des domestiques qui ont vu grandir Dolly, les inquiétudes de sa mère, l'empressement de sa soeur à la voir partir, la tante qui passe en revue les cadeaux de mariage, les cousins Tom et Robert qui se chamaillent. Au milieu de tant d'agitation, un jeune homme attend le moment de parler avec celle à qui il n'osa pas se déclarer au cours de l'été précédent ...

J'ai lu ce petit livre il y a quelques mois  dans le train, et à ma grande surprise, j'ai beaucoup aimé.

Je dis à ma grande surprise, car quelque temps auparavant, j'avais lu le 1er chapitre et j'avais reposé le livre en me disant que j'aurais du mal à aller jusqu'au bout...

Et puis je l'ai repris en main, et je me suis beaucoup amusée à la lecture.

Ce n'est pas un livre où l'on rit aux éclats, mais on sourit souvent, tant certains éléments de cette journée sont drôles, extravagants ou incongrus.

Les personnages sont délicieusement croqués, et il y a un vrai parfum d'authenticité qui se dégagé de ce livre.

C'est beaucoup plus accessible que du Rosamond Lehmann, et beaucoup plus amusant que du Vita Sackville-West, par exemple (pour rester dans la mouvance du groupe de Bloomsbury). Et indéniablement plus facile à lire que du Virginia Woolf. ;)
Une adaptation cinématographique a été réalisée récemment avec entre autres Felicity Jones ; en voici la bande-annonce :



Plutôt prometteur, non ? ;)

L'Etrange disparition d'Esme Lennox, de Maggie O'Farrell.



Entre l'Inde et l'Écosse, des années 1930 à nos jours, l'histoire déchirante d'une femme enfermée, rejetée de la société et oubliée des siens. Un roman d'une beauté troublante, où s'entremêlent des voix aussi profondes qu'élégantes pour évoquer le poids des conventions sociales et la complexité des liens familiaux, de l'amour à la trahison. A Édimbourg, l'asile de Cauldstone ferme ses portes. Après soixante ans d'enfermement, Esme Lennox va retrouver le monde extérieur. Avec comme seule guide Iris, sa petite-nièce, qui n'avait jamais entendu parler d'elle jusque-là. Pour quelle étrange raison Esme a-t-elle disparu de la mémoire familiale ? Quelle tragédie a pu conduire à son internement, à seize ans à peine ? Toutes ces années, les mêmes souvenirs ont hanté Esme : la douceur de son enfance en Inde, le choc de son arrivée en Écosse, le froid, les règles de la haute bourgeoisie et, soudain, l'exclusion... Comment sa propre sœur, Kitty, a-t-elle pu cacher son existence à ses proches? Et pourquoi Iris se reconnaît-elle tant dans Esme ? Peu à peu, de paroles confuses en pensées refoulées, vont ressurgir les terribles drames d'une vie volée...

L'histoire de cette jeune fille excentrique mise sur la touche est vraiment très touchante. On ne s'ennuie pas une seule seconde à la lecture, tant l'intrigue est palpitante.

Il faut dire que l'auteur, avec beaucoup d'habileté, fait alterner trois points de vue : celui d'Iris, une toute jeune femme, celui d'Euphemia alias Esme, et celui de Kitty, la "grand-mère" d'Iris.

C'est surtout le point de vue d'Esme, qui, en remontant le fil de sa mémoire, va nous aider à comprendre les raisons de son enfermement dans cette "maison de santé". Les points de vue d'Iris et de Kitty, frappée par la maladie d'Alzheimer, nous aident à mieux comprendre ce qui s'est passé.

Je ne saurais dire si ce livre est bien écrit, mais ce qui est sûr, c'est que l'on tourne les pages avec impatience, tant on a hâte de connaître la suite.

C'est dommage qu'Iris et Esme n'aient pas davantage le temps de faire connaissance, mais en même temps, je trouve le traitement de leur relation assez juste (même si au final, la petite fille s'avère moins fascinante que sa véritable grand-mère).


Même si ce n'est pas une histoire vraie, la vie d'Esme est bouleversante, car de nombreux cas réels de ce genre ont existé. Il devait être si commode de placer dans ce genre d'institutions des femmes qui n'entraient pas dans le moule où la société voulait les mettre ! C'est ce dont ce livre fait prendre conscience, et c'est assez effrayant.



Un vrai coup de coeur ! ;)


jeudi 19 juillet 2012

La maison sur le rivage de Daphné du Maurier (1969).




Dick est invité par son ami Magnus Lane à passer ses vacances, en solitaire, dans le charmant petit village de Tywardreath en Cornouailles. Il en a bien besoin car il se sent harcelé par son épouse Vita qui le pousse à quitter la maison d'édition où il travaille pour aller vivre aux États-Unis. En fait, Magnus, professeur de biophysique à l'Université de Londres, a besoin de lui pour expérimenter une drogue qu'il a récemment mise au point. Quoique réticent, Dick ingurgite cette potion et, à son extrême étonnement, se retrouve sur la lande en présence d'un cavalier mystérieux. Attiré comme un aimant, il le suit et se rend compte rapidement qu'il a été propulsé au XIVe siècle dans ce même village. Phénomène étrange, il peut voir, entendre et comprendre sans que sa présence soit révélée. Renouvelant l'expérience à plusieurs reprises, Dick sera le témoin volontaire et invisible des amours, des passions et complots ourdis par la noblesse et le clergé de ce village quelque cinq siècles auparavant.


C'est un roman plutôt déconcertant, qui oblige le lecteur à des aller et retour constants dans le passé. On retrouve les thèmes chers à Du Maurier : sa région natale, les Cornouailles, avec la présence de ses paysages et de la mer ; une maison mystérieuse ; un homme qui trouve son quotidien ennuyeux et qui se retrouve irrésistiblement attiré par une femme qui n'est rien d'autre qu'un fantôme, puisqu'elle apppartient au passé et évolue dans l'univers du XIVème siècle. Le contraste entre la réalité des années 1960 et le Moyen-Âge dans lequel le narrateur se livre à des pérégrinations régulières est très frappant ; les scènes qui se déroulent dans le passé sont très bien écrites et très saisissantes. Le lien qui unit Dick à Magnus, son ami scientifique, est assez mystérieux - dans la mesure où Vita, l'épouse de Dick est très jalouse du lien entre son mari et Magnus, on peut soupçonner une amitié de nature homosexuelle - et le récit oscille entre roman historique et roman fantastique. Je le conseille aux amateurs du genre !

mercredi 18 juillet 2012

Compartiment pour dames, d'Anita Nair.



Akhila a toujours fait ce qu’on attendait d’elle et tout sacrifié à sa famille. Mais un jour, elle en a assez et décide de partir en voyage pour faire un bilan de sa vie. Dans le train qui l’amène à destination, elle est dans un compartiment réservé aux femmes. Les autres passagères vont lui parler tour à tour de leur vie et de la situation de la femme dans une Inde coincée entre tradition et modernité…

Ce livre est écrit de manière très simple, et il est de ce fait très agréable à lire. Ce n'est pas une écriture recherchée, mais c'est néanmoins un livre bien écrit. Il y a des termes indiens qui sont fréquemment utilisés, en particulier pour parler de la nourriture, mais cela n'entrave pas la compréhension (d'ailleurs, il y a un mini lexique à la fin, auquel je n'ai pas eu recours, puisque je n'avais pas vu son existence).

J'ai été séduite par l'exotisme du roman, qui se manifeste dans le fait que l'auteur évoque les odeurs, la cuisine, l'atmosphère des rues de l'Inde, ainsi que les mentalités. Dans ce train, six femmes vont tour à tour raconter leur vie, Akhila étant celle qui à la fois les écoute et se raconte. Le roman n'est pas construit avec des chapitres qui feraient s'alterner les voix de ces six femmes, mais tout est entremêlé : chacune des histoires de ces femmes prend une valeur exemplaire.

Toutes ne m'ont pas marquée, en revanche, j'ai beaucoup aimé celle de la femme professeur de sciences-physiques qui a une vision très particulière de la vie (elle associe les êtres à des éléments chimiques en fonction de leurs caractéristiques) et qui décide d'engraisser son mari pour l'empêcher de nuire (le rapport à la nourriture est analysé de manière très fine dans cette histoire).

J'ai également beaucoup aimé le récit de cette jeune femme élevée de manière traditionnelle, qui, à la suite d'un voyage en Europe, s'émancipe (elle s'habille à l'europénne et adopte un comportement "assez libre", pour ensuite revenir au conformisme dans lequel elle a été élevée, jusqu'au jour où elle décide de prendre sa vie en main et d'apprendre toute seule à nager). Les passages où elle se rend en cachette au bord de la piscine pour observer les autres nageurs, et la description du moment où elle réussit à retrouver la maîtrise d'elle-même et de son corps sont très beaux.

J'ai regretté que l'histoire de la jeune fille si liée à sa grand-mère ne soit pas davantage creusée, et j'ai trouvé l'histoire de la femme aux origines si modestes absolument terrible. Je n'ai pas trop aimé cette histoire ; j'ai trouvé certains de ses aspects assez glauques et dérangeants.
C'est un roman dont le ton est résolument féministe et qui apporte un point de vue nuancé sur la condition féminine. J'ai été scandalisée par la façon dont Akhila avait été traitée par certains membres de sa famille ; en revanche, je n'ai pas trop aimé la façon dont son histoire finit (mais chut !) ;)
En somme, c'est un livre vraiment intéressant, et l'on ne s'ennuie pas du tout. Je trouve qu'en plus d'être dépaysant, les problèmes qu'il évoque ne sont pas circonscrits à l'Inde ; c'est un roman qui pousse à réfléchir et qui s'avère très stimulant pour l'esprit.





Lu dans le cadre du Mois de l'Inde sur Whoopsy Daisy.

Nouvel emménagement.


Après des mois bien chargés, voici enfin venu le temps des vacances !

Je suis bien contente de pouvoir à nouveau lire la blogosphère.

J'ai hésité à changer d'adresse, et puis finalement, je me sens bien dans ces vieux murs.

J'ai un peu dépoussiéré par-ci par-là, et me voilà prête à reprendre possession de mes Pénates.

Comme j'ai lu beaucoup de livres ces derniers temps, les prochaines semaines devraient voir un blog plus animé.