Préfacé par Jean-Claude Carrière, Mémoires captives est un ouvrage tout à fait captivant qui permet de renouer le fil du dialogue qui s'était tissé entre l'auteur et le lecteur de Lire Lolita à Téhéran.
Animée de la même intelligence, de la même finesse, de la même sensibilité, et, ce qui ne gâche rien, d'une qualité d'écriture accrue, Azar Nafisi se propose de briser le silence et de rompre avec les mensonges qui entourent l'Histoire de son pays et son histoire familiale, les deux dimensions - publique et privée - étant étroitement imbriquées :
"Il y a bien des sortes de silences. Celui que prescrivent aux citoyens des forces tyranniques qui leur volent leur passé, réécrivent leur histoire et leur imposent une identité établie par l'État. Ou celui des témoins qui choisissent d'oublier ou de nier la vérité, et des victimes qui, par moments, deviennent complices des crimes qui sont commis contre elles. Puis il y a celui dans lequel nous nous complaisons quand il s'agit de nous-mêmes, de nos mythologies personnelles, les histoires que nous plaquons sur notre vie réelle".
Son livre, divisé en plusieurs parties qui s'ouvrent généralement sur une citation d'Emily Dickinson, retrace l'histoire de sa famille, entre une mère tyrannique et fascinante prise dans la toile de sa mythologie personnelle, et un père séduisant, ancien maire de Téhéran, merveilleux conteur, qui mentait "pour avoir une vie de famille plus heureuse".
Très tôt, pour échapper à une ambiance familiale délétère, Azar Nafisi s'est tournée vers les livres, la littérature persane, puis la littérature européenne lorsqu'elle se rendit pour la première fois en Angleterre vers l'âge de 13 ans pour y faire ses études ; elle recherchait dans les livres des modèles féminins auxquels elle puisse s'identifier :
"J'ai retrouvé la marque de ces héroïnes rebelles [...] dans les personnages féminins de la fiction occidentale, comme la Catherine Earnshaw d'Emily Brontë, l'Elizabeth Bennet de Jane Austen, la Dorothea Brooke de George Eliot, la Jane Eyre de Charlotte Brontë ou les Mathilde et Mme de La Mole de Stendhal. [...] Peut-être est-ce parce que les femmes se voyaient privées de leurs droits dans leur vie réelle qu'elles devinrent si séditieuses dans la fiction, où elles repoussaient les conventions, brisaient les structures établies et ne se soumettaient pas."
Azar Nafisi évoque son enfance (et certains épisodes viennent éclairer sous un autre jour son intérêt pour Lolita de Nabokov), son adolescence et sa jeunesse, l'emprisonnement de son père, alors maire de Téhéran, à l'époque du régime du Shah d'Iran, et son premier mariage, surtout contracté pour échapper à une mère tyrannique, et qui se solda par un divorce.
Azar Nafisi entretenait avec sa mère, qui devint la première femme élue au Parlement iranien, des rapports très compliqués : "Je me suis souvent amusée à dire que vivre avec ma mère nous avait préparés à la révolution islamique". Cependant, les deux femmes s'aimaient ; simplement, elles n'arrivaient pas à se le dire l'une à l'autre.
La fin de ce livre également évoque l'engagement politique de l'auteur, son second mariage, son installation en Iran, la révolution islamique et les désillusions qu'elle entraîna, avant son départ pour les Etats-Unis dans les années 1990 - et jamais l'intérêt du lecteur ne faiblit.
Autobiographie, témoignage, document politique, social et philosophique, l'auteur réaffirme son amour pour la littérature qui l'a sauvée du désastre, et déploie ses talents de conteuse qui apparentent son écriture à la fois très intellectuelle et très sensible à l'art de Karen Blixen.
Et voilà, tu m'as tentée, c'est du propre! J'ai tant aimé Lire Lolita à Téhéran que je ne peux résister à ce titre. je ne le lirai pas de suite car j'ai de (très) nombreuses lectures programmées pour début septembre, mai sil me fait très envie, pour découvrir un peu plus cette femme que j'admire et pour qui j'ai beaucoup d'affection!
RépondreSupprimerJe pense que c'est une lecture que tu ne regretteras pas, alors. ;)
RépondreSupprimerun livre que j'ai eu du mal a poser.
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