jeudi 8 octobre 2009

Blog en sommeil



dimanche 26 juillet 2009

Le Hérisson (Mona Achache)


Un billet que j'ai sur le métier depuis un certain temps et dont j'ai ressenti ce soir le besoin de me "débarrasser". Le Hérisson est une adaptation cinématographique qui s'inspire librement d'un livre de Muriel Barbery qui connut (et qui connaît encore) un beau succès de librairie depuis sa parution, grâce au bouche à oreille mis en place par les libraires.

Autant le mentionner tout de suite : je suis loin d'être une fanatique du livre, qui, malgré de bonnes idées, souffre à mes yeux d'un certain nombre de défauts, en particulier une vision bien trop manichéenne de la société (d'un côté, la méchante bourgeoisie dont la culture n'est qu'un vernis et qui bien sûr est pétrie de vices ; de l'autre, des sans grades qui cachent naturellement un savoir encyclopédique et un coeur d'or) ; un style, qui, quoique très travaillé, sent malheureusement parfois la boursouflure et la prétention, tant les références culturelles surabondent (les passages philosophiques, en particulier, sont d'un ennui mortel, et à vrai dire assez peu à leur place dans cet ouvrage de fiction : un éditeur consciencieux les aurait fait élaguer par l'auteur) ; et enfin, la présence regrettable de certains clichés, en particulier ceux relatifs à l'Asie et au Japon (Muriel Barbery sacrifie en effet à la mode nippone).

Le dispositif à la Perec du livre était pourtant intéressant (l'action se déroule presque uniquement dans un immeuble), mais ce conte de fées mis à mal par l'accident final souffre d'un manque total de crédibilité, renforcé par l'explication vaguement psychologisante et surtout très niaise du caractère de René (je pense ici à ce qu'elle révèle de son enfance à la jeune Paloma).

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L'adaptation cinématographique de ce livre m'a cependant réservé une belle surprise, car ses défauts se sont miraculeusement métamorphosés sous la baguette de Mona Achache. Le film a d'ailleurs remporté un beau succès dans les salles françaises au cours du mois de juillet.

En effet, le scénario a su élaguer les boursouflures du livre : le spectateur n'a pas affaire à un simple "copier-coller". Ainsi, l'adolescente ne tient plus un journal, elle filme son entourage.

Le choix de ce moyen d'expression est doublement intelligent de la part de la réalisatrice : non seulement il est réaliste en ce sens que ce média est actuellement privilégié par les adolescents, mais surtout, Mona Achache se place sur le terrain qui est le sien, non plus celui des mots, mais celui des images.

Images qui s'avèrent d'ailleurs être de trois sortes dans ce film : il y a d'abord l'image pure et simple, c'est-à-dire ce que filme Mona Achache ; ensuite, les images filmées par Paloma avec la vieille caméra de son père, images facilement reconnaissables, tant elles sont brouillées ; et enfin, les dessins de Paloma, qui s'animent parfois sous nos yeux.

Ce mélange, intéressant, constitue une belle réussite, d'autant plus que si Mona Achache avait voulu retranscrire le journal de Paloma - une adolescente que pour ma part je trouve terriblement prétentieuse et agaçante - le tout aurait probablement donné quelque chose de très ennuyeux, le journal de Paloma n'étant pas franchement ce qu'il y a de plus réussi dans L'Elégance du hérisson.

Un procédé également intéressant dans ce film, la répétition des propos qui ont été tenus dans les scènes précédentes, à la manière d'un bruissement de plusieurs voix, et ce afin de traduire les monologues intérieurs des personnages : j'imagine que la chose, si elle est systématisée, peut lasser, mais il se trouve que dans ce film, cela fonctionne assez bien.

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Autre gros point fort du film : les comédiens. Mention spéciale à Josiane Balasko dans le rôle de la concierge, Renée, qui livre une performance tout en sensibilité et en délicatesse.






Garance le Guillermic ne s'en sort pas trop mal dans le rôle de Paloma et réussit à me rendre plus sympathique un personnage pour lequel j'éprouvais peu d'empathie.






Togo Igawa, très bel homme, incarne un Kakuro au sourire pétillant.







Dans les rôles secondaires, Anne Brochet (Cyrano de Bergerac), dans le rôle de la mère, joue de manière très juste, et Wladimir Yordanoff est intéressant dans le rôle de l'homme politique un peu dépassé par sa famille.





Ariane Ascaride (que je n'ai pas reconnue) est très bien dans le rôle de Manuela, la femme de ménage devenue l'amie de Renée. On notera également la présence de Gisèle Casadesus dans le rôle d'une des habitantes de l'immeuble.




La musique et la lumière sont également fort belles.

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Bref, un film émouvant, même si la morale reste celle des bons sentiments, et un film cohérent, loin de la prétention et de l'aigreur dont se drapaient certains passages du livre, relu récemment, et sur lequel mon avis n'a pas vraiment changé. Assez curieusement, l'intrigue pourtant fragile de Muriel Barbery passe beaucoup mieux dans le film, qui sait distiller avec plus de sincérité l'humour et l'émotion. D'ailleurs, le film touche incontestablement le public, peut-être parce qu'à travers l'image du bocal à poissons, filée tout au long du film, Mona Achache évoque aussi le drame de l'incommunicabilité moderne.




vendredi 24 juillet 2009

La collection d'estampes japonaises de Monet à Giverny.



Un goût pour le Japon


Qu'est-ce qui a lancé la mode du japonisme au XIXème siècle ? Sans aucun doute, les expositions universelles de Londres en 1862 et de Paris en 1878. C'est un bouleversement : les artistes japonais proposent une vision totalement nouvelle, en rupture avec les conventions de la peinture occidentale. Monet, comme beaucoup d'autres, se montre enthousiaste : il se met à collectionner les estampes des plus grands maîtres.


Les débuts de la collection de Monet

Il existe plusieurs versions sur l'origine de la collection d'estampes de Monet. Son ami et biographe Gustave Geffroy la relate ainsi : " C'est de Hollande que Monet a rapporté la plupart de ces merveilles, les premières trouvées, comme il l'a raconté, chez quelque épicier de village où elles étaient venues avec les denrées des îles et des possessions d'outre-mer."



Marc Elder est plus précis, citant Monet : "J'eus la bonne fortune de découvrir un lot d'estampes chez un marchand hollandais. C'était à Amsterdam dans une boutique de porcelaine de Delft." Monet marchandait sans succès un objet. "Soudain j'aperçois sur un rayon, en contrebas, un plat rempli d'images. Je m'approche : des estampes du Japon !" Le marchand, peu au fait de la valeur de ces estampes, les lui cédait alors avec le pot.

Choix et rejets

Claude Monet ne cesse ensuite de compléter sa collection, qui compte 231 estampes à la fin de sa vie. Il sélectionne avec beaucoup de flair les plus grands maîtres des XVIIIème et XIXème siècles : collection éclectique, qui privilégie pourtant les trois plus grands, Hokusai, Hiroshige et Utamaro. La préférence de Monet va aux paysages, à la représentation des éléments. Les lettres de Monet révèlent combien il se passionne pour les estampes japonaises, à la fois comme artiste et comme collectionneur.


La collection

La collection d'estampes japonaises de Monet nous est parvenue intacte, léguée dans son intégralité à l'Institut des Beaux-Arts par son fils Michel Monet. Elle a été restaurée et entièrement réencadrée.


Les visiteurs la découvrent aujourd'hui ,aussi surpris que les contemporains de Monet ont pu l'être, dans la maison de l'artiste à Giverny. La visite de la maison et de cette collection exceptionnelle d'estampes permettent de s'imprégner de l'univers de Monet.



A titre de complément, l'adresse du blog tout à fait passionnant d'Ariane, guide à Giverny :

vendredi 17 juillet 2009

Sans rancune ! (Yves Hanchar)


1955 - Un internat en Belgique. Laurent Matagne, 17 ans, croit discerner sous l'identité de son professeur de français surnommé "Vapeur", son père disparu lors d'un raid aérien pendant la guerre de 1940. Vapeur est excentrique, mystérieux, inquiétant, brillant, et il communique vite à Laurent sa passion pour la littérature, au point de susciter chez lui une vocation d'écrivain. Matagne et son ami Boulette décident de mener l'enquête. Alors qu'ils échafaudent un plan pour confondre Vapeur, Matagne s'attèle à son premier roman.

Il y a plusieurs mois, en évoquant Les Belles Années de Mademoiselle Brodie, je pensais que le livre sur l'influence que peut avoir un professeur charismatique sur ses élèves restait encore à écrire. Le film, lui, est d'ores et déjà réalisé par Yves Hanchar, qui s'est appuyé sur sa propre histoire pour rédiger un scénario original, intrigant et bien écrit sur des thèmes extrêmement forts - parce qu'universels.

La reconstruction d'un pays après la guerre et le rôle de l'éducation dans cette reconstruction.

Le film se déroule en Belgique dans un pensionnat bien particulier, réservé aux enfants de soldats ayant combattu durant le Seconde Guerre mondiale et dirigé par des vétérans (ici, il faut mentionner l'excellent Christian Crahay en directeur d'école bienveillant et humaniste). Le titre du film, Sans rancune !, vient en fait d'une expression employée par les hommes lorsqu'ils se saluaient, et ce afin d'"oublier" les horreurs de la guerre. Le mot d'ordre de l'école est d'ailleurs : "Loyauté et confiance réciproque".

La façon dont "Vapeur" enseigne et se situe par rapport à la guerre ne doit cependant rien à l'angélisme, puisque cette figure de pédagogue ne transmet pas un savoir, mais éduque les intelligences : au sortir de la guerre, à quoi auront servi tous ces morts, si l’on n’a pas retenu la leçon : « savoir dire non » ? "Vapeur" apprend donc à ses élèves à être autonomes. Thierry Lhermitte a d'ailleurs ces mots pour définir sa méthode pédagogique : "[Je l'apprécie], parce que c’est une véritable éducation de la liberté et de la responsabilité. Mais c’est très élitiste. Je vois cela comme un mélange d’avant et après l’école de Jules Ferry. Avant, c’est la tradition des humanités, apprendre à apprendre. Après, c’est la pédagogie inductive post-68, qui refuse les apprentissages, le par-cœur, le bachotage." En ce sens, le film est bien d'actualité, en ce qu'il concilie deux approches qu'il souhaite résolument complémentaires.

L'adolescence, l'amitié et la quête de la vérité.

En regardant ce film, le spectateur n'aura nulle difficulté à s'identifier au personnage de Matagne et aux adolescents présentés dans le film, qui ressemblent à tous les adolescents du monde et d'aujourd'hui. Laurent, après des relations d'abord conflictuelles avec Boulette, le cancre de la classe, nouera par la suite une belle amitié avec lui, et une association étroite pour découvrir la vérité au sujet de ce professeur qui les intrigue : qui est "Vapeur" ? Le père de Laurent ? Ou ne s'agit-il que d'un fantasme développé par les deux adolescents ?

La naissance de la vocation d'un écrivain.

"Vapeur", derrière des dehors fantasques et excentrique, se révèle être un personnage complexe et ambigu, un écrivain raté, qui, à défaut d'avoir réussi à écrire un livre, a entièrement recréé sa vie. Bousculant continuellement Matagne, ce dernier sera cantonné dehors jusqu'à ce qu'il écrive quelque chose d'original et de sincère. Peu à peu, d'abord vexé et humilié, puis encouragé, Matagne, aiguillonné par "Vapeur", véritable figure tutélaire, s'éveillera à l'art d'agencer les mots. On ne sera donc pas surpris de voir Laurent superposer au rapport maître-élève le rapport père-fils.

Le film met ainsi en lumière la noblesse du rôle du professeur, mettant ainsi à mal la citation cruelle de George Bernard Shaw qu'invoque d'ailleurs l'un des personnages du film, et selon laquelle "celui qui peut agit, celui qui ne peut pas enseigne". Yves Hanchar joue en effet sur deux tableaux, la transmission entre le maître et l'élève (comparable à la maïeutique pratiquée par Socrate) et la réconciliation père-fils, donnant ainsi son autre signification au titre du film.

Le film étant d'ailleurs peut-être plus complexe qu'il n'y paraît, car, comme le suggère un critique, ce que nous voyons à l'écran oscille entre vérité et fiction : Vapeur est-il le père de Laurent, ou celui qu'il aurait aimé avoir ? Le jeune Laurent ne se prendrait-il pas lui aussi pour le héros du roman qu'il est en train d'écrire, à l'image de la séquence où il nous est donné de voir la scène imaginée par Laurent dans la première rédaction qui lui vaut des éloges de son professeur ? Car l'enquête se révèle extrêmement troublante, et les indices flous : une photo de mauvaise qualité, un style d'écriture plus ou moins ressemblant... mais tout le charme de l'aventure réside précisément dans cette incertitude entretenue jusqu'au bout.

Certains critiques grincheux n'auront pas manqué de rapprocher ce film du Cercle des poètes disparus, ou encore des Choristes, laissant par là entendre que le film d'Yves Hanchar pêcherait par manque d'originalité et par conservatisme : c'est opérer des rapprochements bien superficiels et passer complètement à côté de ce qui fait la singularité d'un film dont la réalisation, classique, sait s'effacer pour mieux mettre en valeur un récit qui nous touche, parce qu'il sonne juste. Les comédiens y sont pour beaucoup :

Thierry Lhermitte, dont le beau visage vieilli et le regard pétillant transmettent à ce film sa vivacité, son intelligence et sa gaieté, et dont l'élégance, la séduction et le charisme confèrent au film une grande partie de sa force.




Milan Mauger, dont le talent, la vérité de jeu et le naturel sont confondants, et dont le jeune visage suscite l'empathie grâce à la variété subtile des émotions qui y affleurent. La relation qui l'unit à Thierry Lhermitte semble faite de confiance et de respect réciproques.




Benoît Cauden, qui se révèle lui aussi un très bon comédien, de même que tous les acteurs qui composent les personnages secondaires.




Les pe
rsonnages sont riches et sensibles, le scénario très bien écrit, les répliques aussi ; l'intrigue est bien ficelée, le suspense est maintenu jusqu'au bout ; le cinéaste nous livre une histoire presque merveilleuse, un conte dans lequel un enfant solitaire et turbulent se cherche à travers un père absent. Un film de qualité comme on aimerait en voir un peu plus souvent.


Pour plus d'informations, le dossier de presse :
http://www.victoryproductions.be/DOSSIERSPRESSE/dp_ssrancune.pdf

Et un lien vers allociné :
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=137326.html

lundi 8 juin 2009

Beatrix Potter

Beatrix Potter est surtout connue pour avoir inventé un monde animalier dont le premier héros sera Pierre Lapin, paru en 1902.


Née en 1866 dans une famille du barreau londonien, Beatrix Potter est issue de la haute bourgeoisie victorienne.

Jeune fille, elle égaye sa vie solitaire d’études et de dessins d’animaux.

Un jour, elle écrit une lettre à un petit garçon, Noël Moore, pour lequel elle invente une histoire autour de son lapin Peter. D’autres lettres illustrées suivront. Beatrix Potter décida finalement d’essayer de trouver un éditeur.

Pierre Lapin fut accepté par l’éditeur Frederick Warne qui publia pour la première fois en 1902 cette petite histoire. Le livre eut un succès immédiat et devint l’un des livres pour enfants les plus vendus. Traduit en 35 langues, il s’est vendu depuis à plus de 40 millions d’exemplaires.


Pierre Lapin sera ainsi le premier d’une série de quelque vingt-trois albums peuplés de lapins, de souris, de rats, de canards, de renards, de chats et de chiens aux noms pittoresques. Un univers où les enfants se reconnaissent, un univers sans mièvrerie aucune, un univers parfois cruel.

Beatrix Potter épousa plus tard William Heelis, notaire, et consacra la fin de sa vie à l’agriculture et à la protection des sites et monuments historiques de la région des Lacs.

Décédée en décembre 1943, elle laisse une oeuvre qui n’a pas pris une ride, et ses contes, traduits dans de nombreux pays, figurent définitivement parmi les classiques de la littérature enfantine.

En 2007 est sorti en France Miss Potter, un très joli film sur la vie de Beatrix Potter réalisé par Chris Noonan, avec Renée Zellweger et Ewan MacGregor dans les rôles principaux.



Beatrix Potter a également écrit un journal.



mardi 2 juin 2009

Robert Penn Warren, L'Esclave libre.


Samantha Starr, fille d'un riche planteur du Kentucky, découvre à la mort de son père ce que chacun savait mais n'osait lui dire : elle est en réalité la fille d'une beauté noire qui avait partagé naguère le lit du maître de Starrwood : elle n'appartient pas au monde des gens libres. Car règne encore l'antique loi du Sud : son père n'ayant pas laissé de testament, la demeure est mise en vente, et elle-même, en qualité de fille d'esclave, fait partie des lots que les acheteurs vont se disputer à l'encan...

Ce roman se déroule à la même époque que le célèbre roman de Margaret Mitchell, Autant en emporte le vent, et d'ailleurs, il existe un certain nombre de similitudes entre ces deux romans, en particulier dans l'analyse sociale de la société de cette époque. Pourtant ces deux romans sont de nature très différente : pour reprendre la présentation de l'éditeur, le romancier évoque avec grandeur - et cruauté - les fastes trompeurs du vieux Sud à la veille de la guerre de Sécession... et ne fait de cadeau à personne.

Extrêmement romanesque, magnifiquement écrit, cette grande fresque retrace les errances d'une héroïne à la recherche d'une identité problématique, que ses origines amènent à être considérée ni plus ni moins comme un objet, et qui sera achetée par un riche planteur, dont la bonté est décrite comme une grave maladie. Et pour cause : celui-ci cache un secret dont la révélation permet au romancier de nous offrir les plus belles pages de son roman, vision hallucinée et hallucinatoire des pratiques ethniques de l’ancestrale Afrique.

Robert Penn Warren est un auteur reconnu aux Etats-Unis : il a longtemps été considéré comme le grand rival de Faulkner, a reçu de nombreux prix pour ses livres, et son oeuvre a souvent été adaptée au cinéma, à l'image de L'Esclave libre (Band of Angels), roman adapté au cinéma par Raoul Walsh avec Clark Gable et Yvonne de Carlo.


Pour finir, voici un lien vers un article que je trouve intéressant, même s'il dévoile certaines données de l'intrigue : http://www.e-litterature.net/publier2/spip/spip.php?article40

vendredi 24 avril 2009

Vikram Seth, Un garçon convenable.


Etonnante galerie de nababs et d'intouchables au cœur des mystères de l'Inde, prodigieuse histoire immergée dans la grande Histoire, roman d'amour ou saga familiale, ce livre, en vérité, déborde tous les genres et promet tous les plaisirs. Au départ un verdict simple et sans appel, celui de la digne Mrs Rupa Mehra qui, un jour, dit à sa fille, Lata : " Toi aussi tu épouseras un garçon que j'aurai choisi. " Rien de plus ordinaire, a priori, dans l'Inde des années cinquante, encore traumatisée par sa jeune indépendance, et qui guette son avenir entre la tradition et la modernité. Or, pour trouver ce " garçon convenable ", celui qui épousera Lata, il faudra traverser, du sublime au dérisoire, toute l'histoire d'un peuple où le présent se confond toujours avec l'éternité... Car c'est bien l'Inde énigmatique, l'Inde irréductible et troublante, qui, dans ce roman, va se révéler au rythme d'une vaste intrigue. On y rencontre des rajahs, des paysans, des professeurs d'université, des cordonniers, des fanatiques hindous ou musulmans, des écrivains, des femmes libres et des femmes soumises, des ministres, des juges, des révolutionnaires. On y rencontre la misère et l'espérance. Et, dans cette foule, les trois prétendants parmi lesquels se trouve le parti convenable ! Poète, historien, styliste subtil et ironique, Vikram Seth ressuscite un univers où chacun vit, aime, trahit. Où, dans un poudroiement de lumière, chacun tente de secouer le joug des siècles afin, comme Lata, de choisir son destin.

Ce livre nous offre une fresque passionnante de l'Inde des années 1950, qui vient juste de conquérir son indépendance. Il nous présente une galerie de personnages tous aussi intéressants que les autres et aborde les problèmes qui se posent à ce pays à cette époque, qu'ils soient d'ordre politique, économique, religieux, ou sociaux, et pourtant, ce n'est jamais didactique ou pédant.

On croise au passage quelques auteurs majeurs auxquels Vikram Seth fait fréquemment allusion : Jane Austen, P.G. Wodehouse, mais aussi E.M. Forster et Shakespeare - Lata doit en effet jouer une pièce de ce grand dramaturge, chose ô combien choquante pour sa mère, l'inénarrable et pourtant touchante Mrs Rupa Mehra, qui, lorsqu'elle doit écrire à sa belle-mère, découpe de vieilles cartes d'anniversaire pour en recomposer de nouvelles...

Les personnages - Maan, Saeeda Bai, Menakshi, Haresh, le Dr Seth et les autres - sont bien dessinés et ont des caractères bien trempés. Un Indien jugerait peut-être ce livre caricatural, mais pour un lecteur occidental, ce livre constitue une bonne bouffée d'exotisme. Le style de cette saga haute en couleurs est agréable, et certaines phrases sont suffisamment frappantes pour que j'aie ressenti le besoin d'en noter quelques-unes.

Bref, une très bon roman-fleuve, à lire pendant les vacances d'été de préférence, car c'est tout de même un pavé de plus de mille pages qu'il s'agit d'avaler là !