mardi 7 septembre 2010

Les Forestiers, de Thomas Hardy.

Lorsque Grace Melbury revient dans le petit hameau boisé de Little Hintock, après ses études, son avenir est depuis longtemps tracé, déterminé par une promesse antérieure faite entre son père et celui de Giles Winterbone, décédé. Grace et Giles sont promis l'un à l'autre, ils se marieront. Mais Grace a grandi. Elle a découvert, hors des frontières de son village, une tout autre vie, d'autres rêves. Portée par l'ambition et ses nouvelles aspirations, elle tombe dans les bras du beau, irrésistible et troublant Dr Edred Fitzpiers. Mais ce chemin n'est-il pas à mille lieues de ses envies sincères, de ses affections profondes ?

De ce que j'ai pu lire ici ou là sur cet auteur, j'en avais l'image de quelqu'un d'absolument sinistre, dont la vocation semblait manifestement de plonger ses lecteurs dans un état de déprime avancé.

Il n'en fut rien !

Ce roman repose sur un triangle amoureux, celui entre Grace Melbury, la fille d'un bûcheron qui a bénéficié d'une bonne éducation ; Giles Winterborne, un forestier au coeur bon mais un peu fruste, et Fitzpiers, un jeune médecin que sa naissance et son éducation rendent plus proche des aspirations de Grace, mais qui en réalité n'est qu'un coureur de jupons.

Le triangle se complique grâce à la présence de trois personnages : Marty South, une jeune paysanne à la très belle chevelure et à l'âme droite ; Mrs Felice Charmond, la châtelaine du pays, encore jeune, veuve, ancienne comédienne, pour qui le flirt est une seconde nature ; et enfin Suke Damson, une paysanne réjouie et volage.

J'ai beaucoup aimé ce roman pour sa description extrêmement réussie des conditions de vie des forestiers de Hintock et de la nature, et pour la subtilité de son analyse psychologique et sociale des personnages.

Thomas Hardy montre dans son roman que les complexes du père de Grace, un bûcheron qui a bien gagné sa vie mais qui n'a reçu aucune éducation, l'ont conduit à faire une "sottise" : envoyer sa fille en pension. Celle-ci en est ressortie plus raffinée, et diverses circonstances vont faire que Grace et son père finiront par ne plus voir en Giles Winterborne un prétendant à leur goût. Cela conduira la jeune fille, pourtant droite et sincère, à faire un mauvais mariage, puisque le jeune médecin qu'elle épouse la méprise pour ses origines.

Beaucoup de réalisme dans ce livre fort bien écrit, qui comporte plusieurs passages saisissants, en particulier :

- le début, lorsque Marty South, découvrant que Giles n'est pas amoureux d'elle, mais de Grace, décide de couper sa chevelure pour la vendre au coiffeur de la bourgade d'à côté, que la châtelaine a chargé de réaliser une perruque pour elle ;

- la mort du père de Marty South ;

- la rencontre de Grace avec le jeune médecin ;

- le passage sur la Saint-Jean ;

- le passage où Grace, jeune mariée, observe Giles Winterborne en train de fabriquer du cidre ;

- le moment où Grace comprend que son mari la trompe mais n'arrive pas à éprouver le moindre sentiment de jalousie ;

et tant d'autres.

A cela s'ajoute une touche de romantisme, en particulier vers la fin (qui n'est pas un chef d'oeuvre de vraisemblance, puisque Giles Winterborne se laisse mourir pour préserver l'honneur de sa bien aimée, et Grace ne s'en rend compte que trop tard).

La question de l'élevation sociale et le rôle de l'éducation, opposée à la nature, ainsi que le poids de la société et du mariage sur les aspirations des individus sont les principaux thèmes de réflexion de ce roman.

Les personnages qui m'ont le plus touchée sont les plus purs, Giles et Marty, et, dans une moindre mesure mais presque autant, Grace et son père. Ceci dit, même les personnages plus raffinés et plus lâches gardent un caractère sympathique aux yeux du lecteur, car Thomas Hardy leur confère à tous une part d'humanité.

L'humour n'est d'ailleurs pas absent, en particulier lorsque Marty écrit une lettre pour révéler au jeune médecin que les cheveux de sa maîtresse sont en réalité les siens, donc une postiche, pensant ainsi l'en dégoûter et le faire revenir vers sa femme - geste purement désintéressé, car Marty, amoureuse de Giles, aurait les meilleures raisons du monde pour ne pas aimer Grace.

Un beau roman.

Signalons pour finir l'existence d'une adaptation cinématographique datant de 1997, avec Emily Woof et Rufus Sewell

4 commentaires:

  1. Celui-ci je vais le noter aussi ! J'avais aussi des à prioris sur Thomas Hardy. Tu m'a convaincu d'essayer ! J'ai "Jude l'obscur" dans ma PAL mais je ne me suis pas encore décidé à l'ouvrir...

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  2. Jusqu'ici, je n'ai pas encore entendu beaucoup de bien de "Jude l'obscur", qu'il s'agisse du livre ou de l'adaptation : le livre a la réputation d'être déprimant, et l'adaptation n'est paraît-il pas une franche réussite, même si Kate Winslet joue dedans.

    J'espère que "Les Forestiers" sauront te séduire autant que moi ! ;)

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  3. Tentant ça à l'air bien plus engageant que "Jude L'Obscur" et "Tess D'Uberville" je vais peut être enfin pouvoir finir un livre de Thomas Hardy sans être complètement déprimé...

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  4. C'est une lecture agréable, qui m'a donné envie de lire d'autres romans de cet auteur... peut-être pas "Jude l'obscur", mais au moins "Tess d'Uberville". ;)

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